YOUNG MINDS | miles&gwen

Tu passes une mèche blonde derrière ton oreille, et tu t'admires un instant dans le miroir de la salle de bain. L'appartement dans lequel tu vis n'est pas bien grand, tu es seule dans celui-ci, et de toute façon, tu n'as pas besoin de beaucoup de place. Parfois, tu en arrives à manquer ces jours plus innocents où tu vivais encore chez ton père, mais cette époque était révolue depuis bien longtemps. Tu ne savais pas depuis combien de temps tu ne l'avais pas vu, mais c'était bien le souci lorsqu'on prenait la tendance de voyager de dimension en dimension : le temps gardait rarement de son importance. Tu baisses les yeux sur ton téléphone portable, que tu viens d'extirper de la poche arrière de ton jean, pour rédiger un texto rapide à Miles. Ce matin, tu préfères le prévenir et ne pas débarquer à l'improviste, notamment parce-que tu veux éviter ses parents. Tu les as déjà vus une fois ou deux, et s'ils savent qui se cachent sous le masque de Spider-Man, tu souhaites leur épargner de savoir que Spider-Woman est ton propre alter-égo. Et puis, ça te rappelait bien trop ton chez toi, une piqûre de rappel que tu es seule, ici, et que t'es supposée être décédée. Tu vis pas vraiment bien la situation, mais s'il y avait bien quelque chose qui t'apportait un peu de réconfort, c'était de savoir que Miles, lui, était là. C'est sûrement pour ça que vous vous colliez un peu aux basques. Pas vrai ?

Ouais, nan, c'est pas pour autre chose. Ça peut pas être pour autre chose. Tu chasses l'idée de ton esprit tout en rangeant ton téléphone, cette fois-ci, dans ton bomber – afin que tu ne le perdes pas en voltigeant, surtout – et tu quittes la salle d'eau.

Nan, y'a des choses auxquelles il ne valait mieux pas songer. Tu avais déjà beaucoup à penser, avec ce qu'il se tramait ici. La découverte de cette loi particulière et d'une prophétie à s'exaucer était déjà bien assez préoccupant pour que tu t'intéresses à quelconque histoire de cœur. Tu avais encore bien en tête Peter, à dire vrai, ou en tout cas le tragique incident auquel tu as été associée injustement, accusée coupable d'un meurtre que tu n'as pas commis. Pas réellement, en tout cas. T'as pas pu sauver cet amour naissant que t'as pu ressentir pour celui qui était devenu un homme lézard, qui avait revêtit les traits du premier vrai ennemi de ton autre toi, de la justicière, et c'était un événement qui te marquait encore beaucoup. Donc t'avais tout rejeté, tout repoussé, même lorsque t'as commencé à voir Miles un peu plus différemment. C'est ta tête qui te jouait des tours, pas vrai ? Et ta tête, il valait mieux l'occuper avant qu'elle ne commence à tirer des conclusions erronées. Vous vous efforciez de reprendre un train de vie normal dans une dimension qui n'était pas la vôtre – bien que, visiblement, tu sois la seule de vous deux à être au courant du concept même du Multivers, mais aussi de ne pas venir d'ici. Tu t'acclimatais tant bien que mal, et tu t'en sortais plus bien que mal à vrai dire. T'as toujours su t'adapter, et puis tu avais déjà un train d'expérience devant toi. C'est pas la première fois que tu t'installais dans une dimension différente de la tienne, que tu rencontrais les mêmes gens de chez toi mais au vécu peu similaire, mais cette fois-ci, tu espérais que ce soit la bonne : tu as accepté d'accompagner Miles dans l'espoir de pouvoir bâtir de nouvelles choses, et de pouvoir enfin te poser quelque part.

Tu mets une vingtaine de minutes pour rejoindre l'appartement Morales.
Tu voltiges, sans même prendre la peine d'avoir mis ton costume, mais si rapidement que le chemin te paraît si peu long. Brooklyn n'était pas bien loin de Forest Hills – un petit quartier dans lequel tu as vu le jour, et longtemps vécu, c'était sentimental pour toi de choisir un nouveau logement là-bas en arrivant ici. Tu tisses une ultime toile, tu t'élances une dernière fois, et tu viens te plaquer lourdement contre la bâtisse extérieure de l'immeuble. Agilement, adhérée contre celui-ci, tu la grimpes de quelques mètres seulement, passant un coup d'œil furtif à une première fenêtre – celle où tu pouvais apercevoir ses deux parents dans la cuisine – et tu en rejoins une seconde, celle de la chambre de Miles. C'est pas vraiment la première fois que tu passais par là, à vrai dire. Et si d'ordinaire elle est entrouverte, cette fois-ci elle est fermée. Tu hausses un sourcil, mais tu prêtes si peu d'attention à ce détail ; alors que, peut-être, tu aurais dû.
Tu lèves ton poing, et tu t'apprêtes à toquer.
Merde !
Tu pousses un cri, juste un petit cri, de surprise, et tu reviens te plaquer contre la bâtisse, dos contre à celle-ci cette fois-ci, la main levée plaquée paume contre ta bouche, et tu te paralyses. Tu aimerais tant effacer les images qui viennent te marquer ton esprit, mais il n'y a pas moyen. Tu sens ton palpitant s'accélérer anormalement, et une pointe douloureuse terrasser celui-ci, mais tu veux pas relever, tu veux toujours pas relever. Tu es figée dehors, la fenêtre à ta droite, et tu espères sincèrement que personne, à l'intérieur, ne t'a entendue, ni ne suspecte ta venue. D'ici quelques minutes, une fois que tu te seras assuré qu'on ne t'a pas grillé, tu redescendras doucement et tu reposeras enfin les pieds sur le béton quelques mètres plus bas pour continuer le chemin jusqu'à l'université à pieds, et tu feras tout ton possible pour esquiver la désagréable sensation qui te ronge l'intérieur.

Oh merde, mais qu'est-ce que tu viens de voir ?
Les images repassent en boucle, et tu secoues désespérément le visage pour les chasser, mais t'as l'impression qu'elles reviennent au galop aussitôt, qu'elles te tourmentent. Les minutes passent, des minutes qui te paraissent interminables et, enfin, tu te décides à bouger. Tu reviendras pas le voir tout de suite, non, t'as besoin de digérer ce qu'il vient de se passer. Tu le sais, mais c'est pas pour autant que tu vas l'admettre par contre. Tu le reverras sûrement en cours, et puis voilà. Tu feras comme si de rien n'était, comme si tu n'avais rien vu, comme si t'avais oublié de venir, que t'as eu un empêchement ; n'importe quelle excuse pour te sortir de ce pétrin gigantesque dans lequel tu te mettais, parce-que le truc, tu le voyais arriver gros comme une maison, et alors tu faisais ce qui te semblait le plus logique : tu prenais tes jambes à ton cou, tu fuyais tous ces sentiments qui se bousculent depuis bien trop longtemps, tu les fuis parce-que, occasionnellement, t'arrives tout simplement pas à les perdre, et puis tu reprendras le contrôle de ceux-ci en quelques jours, tout redeviendra comme avant, tu pourras continuer à faire semblant.

Tu t'élances en courant donc en direction du bas du bâtiment, et t'as à peine eu le temps de faire quelques mètres que tu entends une voix derrière toi. Au départ, tu la distingues si peu, mais tu réalises que dans cette situation, ça ne peut pas être quiconque d'autre que Miles. Tu t'arrêtes, et tu lèves un sourcil. Et là, enfin, vraiment, tu réalises : merde, c'est Miles ! Tu serres ta mâchoire et t'attends qu'il arrive pas loin de toi pour enfin entendre ce qu'il raconte. C'est au tour à ton deuxième sourcil de se hausser, lorsque tu écoutes ses excuses. Il t'en devait pas, mais il pataugeait quand même dans diverses explications, et toi, t'essayes juste de garder ton sang-froid, d'agir comme si rien ne t'atteignait alors que c'était tout le contraire. « Drôle de façon de réviser. » Que tu lâches enfin d'un sourire qui ressemble davantage à une grimace. Dieu que t'aurais aimé tracer ta route, pourtant. T'aimerais repartir, devenir invisible, disparaître à tout prix ; la situation était gênante, embarrassante, et tu te sentais bien trop vulnérable. Et Dieu que tu te détestais te sentir vulnérable. Il reprend la parole, tu comprends bien vite que la venue de la jeune femme dans son appartement n'était pas tout à fait prévu de la manière dont tu l'avais vue – pensé ? Tout était allé très vite. Sa dernière réflexion t'envoie un léger pic au cœur, mais encore une fois, tu t'épargnes la moindre réflexion à ce propos. Tu pinces quand même tes lèvres l'une contre l'autre, et t'as un faux rire qui se veut authentique. « Haha ouais, nan, ce serait bizarre ! On est potes, et puis... » Arrêtes-toi là, Gwen. T'enfonces pas davantage là-dedans.

Tu te racles la gorge, et tu jettes un œil derrière lui, en direction de la fenêtre de sa chambre, quelques mètres plus haut. Tu lâches un soupire, tu réunis tout ton courage nécessaire, et tu lui frôles l'épaule lorsque tu le dépasses. « Je reviens. » Bordel, t'en revenais pas que ce soit à toi que revenait la tâche de dégager cette nana. Tu le fais, parce-que tu sais qu'il saura pas le faire, et il te l'a bien dit : il sait pas quoi faire, ni sûrement quoi lui dire pour la virer de chez lui. Alors c'était à toi que revenait la difficile tâche. T'as le cœur qui bat à cent à l'heure à l'idée de confronter une inconnue sans la moindre excuse, mais ton pas ne ralentit pas ; t'es déterminée à en finir avec cette histoire, et pour la toute première fois de ta vie, tu as hâte de te casser d'ici et d'aller en salle de classe, loin de cette histoire. Merde, tu serais même presque capable de te casser dans une autre dimension que celle-ci.

Arrivée devant la fenêtre, tu colles tes dix doigts sur la vitre pour la soulever, et ainsi donc l'ouvrir, et tu jettes un œil à l'intérieur. Tes sourcils se froncent, il n'y a plus l'ombre d'un chat à l'intérieur. Tu t'immisces discrètement dans la pièce, au cas où ses parents pourraient entendre du bruit indésirable dans sa chambre – et pendant un instant, tu songes au fait que ça aurait pu être possible, mais pas à cause de toi, grimaçant à cette idée – et tu croises les bras contre ta poitrine. Tu reviens vers la fenêtre, sur laquelle tu te penches pour passer la tête dehors et t'adresser à Miles, les yeux plissés. « Putain Miles, elle est partie ou tu l'as planquée quelque part ? » Tu jettes un œil furtif à ta montre, et tu grimaces une nouvelle fois. T'étais pas sûre que vous arriviez à l'heure, à ce stade. En tout cas, t'as même pas le temps d'avoir une réponse à ta question, que quelqu'un toque à la porte. Par réflexe, tu refermes la fenêtre au nez du jeune homme, et tu viens trouver une place au plafond, juste au-dessus de la porte, juste au cas où. Ça frappe une deuxième fois. « Miles ? » Tu fronces tes sourcils, tu ne reconnais pas la voix de sa mère, et tu devines bien vite de qui il s'agit. Tu jettes un œil vers la fenêtre, tu te permets de fusiller Miles du regard, et tu te penches pour ouvrir la porte. Toujours accrochée au-dessus de la porte, tu descends doucement ta tête – malheureusement à quelques centimètres seulement du visage de l'inconnue – et tu la détailles. Elle est même pas jolie. T'avales difficilement ta jalousie – que tu préfères nier. « Y'a pas de Miles, ici. » Elle te croit pas, bien sûr qu'elle te croit pas. « Eh mais- » D'un petit bond, tu t'extirpes du plafond, et tu retombes sur tes pieds juste devant elle. « Attends, t'es dans ma classe de biologie non ? » Tu serres les dents, mais t'as un petit sourire quand même lorsqu'elle hoche la tête. Bordel, si tu l'aimais bien avant, maintenant tu peux plus l'encadrer. Allumeuse. « J'viens chercher Miles, mais on dirait qu'il est déjà parti. Ce serait pas de ta faute, par hasard ? » C'est gros, car tu sais bien qu'il n'y a pas moyen qu'il soit réellement sorti – hormis par la fenêtre, à dix étages au-dessus du sol, mais tu doutais qu'elle soit au courant qu'il est Spider-Man. Et toi, dans tout ça ? T'es sortie de nulle part, et elle plisse les yeux, pleine de suspicions. Elle a raison, tu ferais pareil, c'est une histoire tirée par les cheveux. Mais, en tout cas, tu te décales un peu pour la laisser passer un œil dans la pièce, bien qu'elle te pousse pour venir vérifier sous le lit, dans le placard, et dans toutes les zones où il serait susceptible de se cacher. Elle te lance un regard plein d'interrogations, mais elle se contente de hausser les épaules et de quitter la pièce, un peu contrariée, et visiblement confuse. « Byeeeeeeeeeee. » Tu balances avant de pousser la porte et la laisser se claquer. Tu te doutes qu'elle va raconter aux parents de Miles, en bas, avoir vu une nana blonde dans la chambre de leur fils, mais s'ils venaient vérifier, tu ferais le nécessaire pour...eh bien, ne pas être là, tout simplement. Tu entends parler, même si tu ne distingues pas clairement les paroles qui viennent de la cuisine, puis tu entends la porte d'entrée claquer à son tour. Tu te tournes vers la fenêtre, que tu ouvres une nouvelle fois, et tu repasses ta tête dehors. Tu tombes nez à nez avec Miles, te reculant un peu par surprise, mais tu lui fais signe de venir. « La voie est libre. Par contre, la prochaine fois, tu te débrouilles tout seul. » T'as un léger frisson à l'idée qu'il y ait une prochaine fois, mais là, aujourd'hui en tout cas, tu doutes que ce soit le cas.

Wow, en voilà une situation gênante que tu rajoutes sur ta liste de trucs que t'aimerais bien oublier. Bon, malheureusement, c'est pas possible. Mais c'est toujours beau d'espérer, non ? Fallait bien avouer que ça te crevait un peu le cœur de t'adonner à ce genre de chose. Genre, virer les nanas du lit de ton crush, c'est bien un truc que tu voudrais éviter. Et t'as beau lui dire que la prochaine fois il se débrouillera tout seul, tu te doutes bien que le même cinéma risque de réitérer. Et que tu auras beau grommeler, regretter, quelque part, au plus profond de toi, qu'il te choisisse pas, tu te contenteras toujours de cette petite pointe de satisfaction de voir le regard confus et contrarié des jeunes filles que tu te permettais de virer de manière assez irrespectueuse. Et encore, t'étais restée polie. T'avais juste feinté quelque chose, juste pour la virer. Mais t'allais vite t'en mordre les doigts. Vous voyez, ses parents ? Ouais, t'as toujours préféré les éviter. Déjà parce-que ça te ramenait à la terrible réalité que, toi, t'étais loin des tiens, et que tu pouvais même pas rencontrer ceux que ton alter-égo avait ici. Mais, c'est aussi pour éviter les embrouilles, et les réflexions typiques. En fait, t'as peut-être un peu peur que les parents de Miles te trouvent pas assez bien pour lui. Pas assez bonne amie, attention. Vous pouvez pas être autre chose qu'amis, pas vrai ?

Donc ouais, tu les évitais. Mais t'étais loin de te douter que tout ça, c'était fini. Tu pouvais plus les esquiver. Lorsqu'il te promet que la prochaine fois il peut se débrouiller tout seul, tu lèves les yeux au ciel. T'y crois à moitié, tu acquiesces d'un « Mhmm. » avant de te tourner vers les fresques, l'œil curieux. C'est d'abord ce qui accroche ton attention, puisque tu restes quelques secondes à les observer. Tu as un petit sourire. « C'est joli. J'aime beaucoup. » Ton sourire s'amplifie quand tu remarques le bordel de sa chambre, un sourire qui s'étire davantage vers l'amusement. Tu hausses un sourcil avant de te tourner vers Miles. « La chambre typique d'un étudiant. » Une taquinerie banale, qui se retrouve vite coupée par l'apparition soudaine d'une personne que tu redoutais de voir déjà en tant normal, mais encore plus maintenant. Il y a quelques secondes de blanc, un silence gênant qui te met mal à l'aise au plus haut point, te rendant compte que t'as oublié de prendre le réflexe de décamper d'ici en vitesse si tu entendais quelqu'un se diriger vers la chambre, mais il fallait croire que ses graffitis avaient su te distraire bien assez pour que tu n'arrives pas à anticiper ce nouveau moment d'embarrassement, que tu places cette fois-ci tout en haut de ta fameuse liste. Bordel, t'aimerais t'enterrer bien profondément dans le sol et ne plus jamais en ressortir, les joues rouges pivoines et la mine chaude lorsque tu entends son père s'exprimer. « Non, M'sieur Davis, c'est pas ce que vous pensez ! » Que tu réussis à marmonner un peu par panique, en même temps que Miles déblatère de son côté.

La porte se claque.
Tu entends une faible excuse de la part du jeune homme, mais tes yeux restent rivés devant toi, là où se trouvait encore son père quelques secondes plus tôt. Tu l'entends vaguement te demander s'il est temps d'aller en cours, pour vous, mais tu fais un pas en arrière. « J'arrive pas à croire que je sois devenue juste une de tes conquêtes. » Tu pestes entre tes dents, alors que l'idée d'être une parmi d'autres ne te ravit pas. Et puis même, t'es supposée être une de ses amies, c'est tout ! Tu réussis enfin à détacher tes yeux de la porte pour les poser sur Miles, et tu secoues doucement le visage. « Je t'avoue qu'après ça, j'ai pas trop envie de partir avec ton père. » Tu as un petit rire nerveux. Tu te retournes, puis tu te diriges d'ores et déjà vers la fenêtre. Tu t'assois sur le rebord, et ton visage sérieux se brise enfin alors que tu lui adresses, malgré tout, un sourire. « D'ailleurs, tu pourras arranger les choses avec lui ? Lui dire que je ne suis qu'une amie, rien de plus. » Même si Dieu sait que tu aimerais sûrement plus, mais tu ne préfères pas y penser. Pas pour l'instant. Mais il va falloir que tu commences à y songer, Gwen. Parce-que ça devient de plus en plus évident. Au moins, cette expérience a su te convaincre qu'il aurait peut-être mieux fallut que tu te présentes un peu plus à ses parents, pour qu'ils ne pensent pas que quelque chose se trame entre vous. Nan, tu veux pas devenir une parmi les autres. Tu n'es pas en colère contre Miles, bien sûr, ni même contre quiconque – bon, peut-être un peu contre Laura, tu dois bien l'avouer. Si auparavant tu l'appréciais, tu savais que dorénavant revoir son visage ne te ramènera que le dégoût que tu avais pu ressentir lorsque tu étais arrivée ici. L'image te hante encore, et tu ne pourras pas la chasser de sitôt.

Tu conserves ton sourire, qui s'élargie un peu, même si tu ressens encore un peu d'inconfort vis-à-vis de la situation dans laquelle vous étiez, mais puisque tu ne veux pas qu'il sache, qu'il devine, qu'il se fasse des idées ou, pire, qu'il te demande ce qui ne va pas, tu fais semblant que tout se passe bien ; comme si tu n'étais pas affectée par ce qu'il venait de se passer. Pas plus que ça, en tout cas. « On fait la course, Spider-Man ? » Tu reprends la parole, tu changes complètement de sujet, tu veux crever l'abcès. Tu veux pas que vous partiez gênés par rapport à tout ça, tu veux que vous passiez déjà à autre chose - toi en tout cas, c'est ce que tu veux. Cette situation aura largement le temps de venir torturer ton esprit une fois couchée ce soir dans ton lit.
En tout cas, pour le moment, une lueur de défi illumine tes yeux bleus.

Ouais, juste une amie. C'était logique, non ? Enfin, tu avais beau repasser ta propre phrase dans ta tête, cette idée te dérangeait visiblement. Tu veux pas t'attarder là-dessus, pourtant. C'est ni le moment, ni l'endroit. Et puis, c'était pas non plus le bon moment pour perdre tes moyens. Mais lorsqu'il finit son discours, tu ne peux t'empêcher d'éclater de rire. Un rire franc, qui change des autres que t'as pu avoir depuis ce matin. Pas un rire moqueur, ça non. En fait, l'idée te plaisait peut-être bien plus que tu ne voulais l'admettre. « Ok, je dois avouer que les crêpes sont un excellent argument pour m'avoir. J'pourrais accepter juste pour cette raison. Mince alors, il semblerait que tu connaisses mon point faible maintenant. » Tu hausses les épaules, et c'est plus fort que toi, t'as toujours un petit sourire accroché à tes lippes. « Et puis, ça me paraîtrait pas si mal que ça... » Que tu murmures, laissant le son de ta voix se faire emporter par le vent ; phrase à moitié assumée. Il s'approche, et lorsque tu proposes ton idée de faire la course à la place de laisser son père vous emmener, ça a l'air de le brancher. Tant mieux. T'es pas sûre d'être prête à le revoir tout de suite, son daron. Y'a clairement moyen qu'il vous embête de nouveau à propos de cette histoire – une histoire que tu voulais, à ce moment précis, définitivement laisser derrière toi.

Alors ça te ravit, lorsqu'il accepte. « Ouais. Le toit, évidemment. » Ça va de soit. Si on vous voit débarquer avec vos masques à l'université, ça n'allait pas le faire. T'étais pas vraiment prête, non plus, à ce que tout le monde sache que tu étais Ghost-Spider. Et tu penses pas que Miles soit très chaud non plus pour que tout le monde sache qu'il est Spider-Man. Tu l'observes mettre son masque, et il parle déjà de potentielle récompense pour celui qui arrive premier. Tu lèves les yeux au ciel, et t'as un petit sourire amusé. Tu te redresses déjà sur tes deux jambes. « J'te pique ton idée. Celui qui gagne invite l'autre, ça me paraît juste. On dira que c'est un date. De toute façon, vu les rumeurs qui vont circuler... » Tu rigoles un peu. Evidemment, tu blagues – enfin, en tout cas, c'est ce que tu préfères laisser paraître. Ou alors t'en fais peut-être trop, Gwen ? « Bref ! » Tu déglutis, et tu t'empresses de changer le sujet. « Que j'ai de l'avance ou pas, je vais te faire mordre la poussière. Tu connais peut-être le coin, mais moi, j'ai l'expérience. » Tu lui adresses un sourire en coin. A ses derniers mots, tu peux pas t'empêcher de te sentir un peu chaude aux joues, mais tu tournes la tête pour qu'il ne le remarque pas, le temps de te reprendre. « Crois-moi, t'auras pas le temps de mater quoique ce soit...» Tu accompagnes le mot mater de tes doigts qui imitent les guillemets, puis tu enfiles ton masque. A défaut d'avoir enfilé ton costume en entier, tu relèves la capuche de ton sweat-shirt, camouflé sous ton bomber, et qui ne s'accorde pas du tout avec les couleurs de ton alter-égo ; mais tant pis, tu n'as que ça sous la main. « ...parce-que c'est moi qui vais gagner ! » Tu t'extirpes enfin de sa chambre, et tu tisses une toile pour t'élancer dans le vide. « Wooooh ! »

Mais il ne faut pas longtemps avant que tu te sentes tirée vers le bas. Heureusement, tu te rattrapes aisément, mais tu tournes ton visage vers sa silhouette et tu fronces les sourcils sous ton masque. « Miles ! » Que tu lâches, indignée. Il voulait jouer à ça ? Très bien. Tous les coups sont permis. Tu ralentis un peu pour le laisser te doubler, puis tu accélères un peu jusqu'à arriver à sa hauteur. Tu te permets d'entoiler sa main autour de sa propre toile, autour de celle qu'il tenait déjà pour se balancer ; juste assez pour ne pas l'arrêter, mais le ralentir. Tu ris un peu, puis tu presses le bout de tes doigts contre ta bouche, à travers le masque, pour lui envoyer un faux baiser d'adieu. « Hasta la vista, baby ! » Que tu t'écries avant de reprendre ta route, tissant une nouvelle toile. Si tu pouvais avoir quelques rues en avance sur lui, t'étais quasi-certaine que tu allais gagner cette course. C'était carrément dégueulasse ce que tu venais de faire, mais après tout, c'est lui qui avait commencé non ? Bon, t'espérais juste que ta toile tienne assez pour, effectivement, comme prévu, te faire gagner du temps. Mais même si ce n'était que question de quelques secondes seulement, tu crachais pas dessus.

Le désavantage, c'est que tu connaissais bien la route entre chez toi et chez Miles. Mais la route entre chez Miles et l'université, c'était un peu plus compliqué, par contre. Et puis, cette partie de New York, tu ne la connaissais que très peu. Sans compter sur le fait que tu étais dans une dimension différente, donc dans une ville qui n'était pas tout à fait similaire à celle que tu as connu. Mais jusqu'ici, tu te débrouilles bien, pas vrai ?

Tu n'es plus qu'à quelques rues d'arriver à destination. Tu n'as pas l'impression que Miles réussit à vraiment te rattraper, et tu commences même à te poser des questions. Tu jettes un bref regard derrière toi, mais personne. D'abord, tu t'inquiètes un peu, mais tu continues ton chemin. Mais, ensuite, tu te rappelles qu'il connaît bien le quartier, bien mieux que toi. Et merde ! Peut-être qu'il a réussit à trouver un raccourci qui lui permettra d'arriver avant toi. Bon, de toute manière, en réalité, tu devais bien admettre que ça t'importait peu de gagner. T'étais juste d'humeur joueuse, et puis au moins, votre petite excursion a eu le don d'évacuer le malaise que son père avait réussit à instaurer entre vous. Et c'était tout ce que tu avais souhaité. Ca avait été le but même de ta proposition. Tu souris un peu pour toi-même, sous ton masque, alors que tu reconnais enfin les rues qui mènent jusqu'à l'université. Il ne te faut que quelques minutes avant d'apercevoir enfin le bâtiment, et son toit. Bientôt, tu te poses sur celui-ci, et tu entreprends de t'étirer. Tu vérifies un peu les environs, mais aucun signe de Miles. Tu retires ton masque, et tu hausses un sourcil. Ne serait-il donc pas arrivé ?

Il réapparaît une minute plus tard. Lorsqu'il te dit qu'il t'attend déjà depuis dix minutes, tu as un doute. Tu n'arrives pas à savoir s'il te raconte des salades, ou s'il est très sérieux. Mais il se dénonce tout seul, et tu as un sourire en coin qui se glisse sur tes lippes. « Evidemment. Tu peux pas t'empêcher de voler au secours de tes dames. » Tu lui balances cynique, tout en rigolant. Tu y croyais pas, de toute façon. Mais bon, au moins, t'as gagné. Si la victoire comptait peu, ça restait tout de même plaisant à savoir. Tu fais glisser ton sac à dos le long de ton épaule puis de ton bras, et il touche le sol. Tu fourres le masque de ton alter-égo à l'intérieur, et il te demande si tu choisis le film. Tu as déjà une petite idée derrière la tête. « Ok, on fait comme ça ! » Tu te redresses, et tu jettes ton sac de nouveau sur ton épaule. Tu l'écoutes reprendre, et ce qu'il te dit te cloue un peu sur place. « Quoi ?! » T'as à peine le temps de lui répondre, qu'il disparaît déjà de ton champ de vision. Tu restes quelques secondes sur le toit, figée, essayant de réaliser ce qu'il venait de se passer et ce qu'il venait de te dire, puis tu sens tes joues se réchauffer un peu. Inconsciemment, un sourire se dessine sur tes lippes, et tu empruntes les escaliers pour rejoindre ta première heure de classe.

La journée se passe sans encombres. A midi, tu vérifies que le film que tu as en tête est toujours en salles, et tu as sourire. Tu t'empresses d'envoyer un message à Miles. Retour vers le futur. Partant ? Mais, impatiente que tu étais, tu lui renvoies un message. Au pire, si ça ne lui plaît pas, vous choisirez autre chose. Tu n'attends pas plus avant de lui envoyer un deuxième message. 20h chez moi ? Tout en rajoutant un emoji souriant. Est-ce que tu devrais flirter davantage ? Non, non, non. Peut-être que ce que Miles disait tout à l'heure était une blague ? T'espérais que ce soit pas le cas, mais dans la mesure où tu sais qu'il termine plus tard que toi aujourd'hui, tu sais que tu seras déjà chez toi lorsqu'il finira sa dernière heure de cours. La sonnerie retentit, il faut que tu retournes en cours, et...tu finis en classe de biologie. Tu t'installes à ta table, avec ton binôme, et tu jettes un œil derrière toi. Tes sourcils se froncent de mécontentement lorsque tu remarques Laura, mais tu évites de lui faire la moindre réflexion ; notamment parce-que t'arrives à voir que d'autres camarades te regardent en souriant. Oh merde, les rumeurs...tu les avais oublié. Tu préfères ignorer ce qu'il se passe pour te concentrer sur le cours, et puis de toute façon, après ça, tu as terminé.

Il se passe cinquante-cinq minutes.
Cinquante-cinq longues minutes avant que la sonnerie ne retentisse. Elles passent si longuement, mais si rapidement à la fois. Ton estomac se noue de stress mais aussi d'enthousiasme lorsque tu ranges tes affaires et que tu quittes la salle, et tu t'empresses déjà à ne pas rester ici. Au lieu de ça, tu évites quelques regards, et tu retournes le plus discrètement possible sur le toit.
Arrivée tout en haut, tu en profites pour laisser tomber ton sac par terre, et tu viens t'asseoir au bord du bâtiment, recroquevillée sur toi-même. Tu sors tes écouteurs, que tu branches à ton téléphone, et la musique se lance.
The Edge - Tonight Alive.
Les minutes passent sans que tu ne les comptes, tu profites d'un instant de calme – enfin, presque – d'un instant avec ta propre personne, car c'est ta façon à toi de te ressourcer, de te couper un peu des autres et du monde, et de profiter, les yeux clos, du tien, de t'enfermer dans ta propre bulle. Au bout d'un moment, tu décides que c'est suffisant, et à la fin d'une énième chanson punk, tu débranches tes écouteurs. Tu ranges le matériel dans ton sac à dos, et tu en extrais ton masque. Tu l'observes un instant avant de l'enfiler sur ton crâne, et tu le baisses jusqu'au menton. Tu prends la direction de ton appartement, et ce n'est qu'une fois devant la porte que tu vérifies l'heure. Il est dix-huit heures trente, et tu voulais quand même te préparer un peu pour l'occasion. T'ôter de tes vêtements sales de la journée, sans pour autant revêtir quelque chose d'extravagant. Mais au moins quelque chose qui aura un peu de style. La demi-heure passe bien vite, trop vite même – tu cours presque dans ton petit appartement à droite et à gauche pour te préparer jusqu'à ce qu'enfin la sonnette retentisse.

Tu inspires profondément, comme pour te donner du courage, le cœur qui bat à cent à l'heure, puis tu attrapes la poignée pour la tourner. T'as l'impression que le temps ralentit, que ça te prend une éternité d'ouvrir la porte, mais enfin le visage familier de Miles apparaît, et tu ne peux t'empêcher de sourire comme tout à l'heure. Sauf que tu contrôles vraiment plus rien, parce-que tu paniques un peu. Tu poses une main sur son épaule, et tes lippes s'étirent en un sourire en coin. « Hey. »
Gwen, tu fais quoi là ?