one step more ((steve))

Tony recula de la table sur sa chaise roulante et pianota rapidement sur le clavier de son ordinateur. Divers hologrammes flottèrent et se mirent à tournoyer, révélant des informations au héros, qu'il annota à voix haute dans ses enregistrements vocaux. Comme à son habitude, un fond de musique rock régnait sur son atelier. S'adossant, il se pencha en arrière, levant son regard vers le plafond tout en réfléchissant. Il cherchait à en savoir plus sur les portails dimensionnels, depuis toute cette affaire avec les spider-personnes. Et aussi parce que c'était incroyablement intéressant - des découvertes quantiques pouvaient être faites, et c'était une vraie énigme pour le scientifique qu'il était. C'était un bonheur de pouvoir compter sur la science, et s'il continuait de besogner dur sur quelques prototypes d'armures - et sur une sublime moto propulsée à la manière de son armure, pour Steve - il s'intéressait aussi à d'autres projets. Ce n'était pas cela qui manquait, à la tour. Poser le regard sur le fichier de la bécane de Steve lui fit penser au blond. Ils s'étaient retrouvé, et leur quotidien était redevenu tel qu'autrefois ; ils se croisaient souvent, discutaient dans les couloirs, s'entraînaient avec passion. Mais Tony avait fait attention à ne plus aller aussi loin que le premier jour de leurs retrouvailles.

Il s'était senti bête, ridicule ; enfiévré par le retour de son vieux comparse, il avait sûrement eu un comportement plus qu'étrange. Et s'il n'avait pas cessé, depuis, de chercher son contact, de le taquiner, cela avait prit une dimension moins sous-entendue. Pourtant, quelque chose cognait à l'esprit du milliardaire, sur laquelle il ne pouvait mettre le doigt ; cela l'agaçait, car il avait l'impression de manquer des indices. Soupirant, il se levait pour aller attraper son tournevis sonique quand la voix de Friday se fit entendre. « — J'ai préparé votre costume, monsieur. Pour votre rendez-vous au Palazzio. » « — Merci. Avez qui ai-je rendez-vous, déjà ? » Tony en avait un peu par-dessus la tête des rendez-vous d'affaire. Il passa une main dans sa tignasse emmêlée et se dirigea vers sa chambre ; de son armoire, un bras robotique avait sorti, sous son plastique protecteur, l'un de ses plus beaux costumes. « — Rendez-vous personnel, Monsieur. Vous ne m'avez pas donné plus d'informations. » Etrange ; il ne se souvenait pas de cela. D'un mouvement, il balaya ses questionnements. Qu'importait, au final, l'origine du rendez-vous ?

Tony se doucha et se prépara, rasant de près sa barbe aux allures si particulières. Il grimaça devant les quelques poils gris argentés qui parsemaient le noir d'encre de ses cheveux. Il songea à Steve - qu'il était injuste qu'il paraisse encore aussi jeune. Personne n'avait le droit d'avoir l'air aussi séduisant en étant centenaire. « — Votre taxi vous attend, Monsieur. » Si Tony n'avait pas été aussi pensif et troublé, peut-être aurait-il cherché à creuser toute cette affaire ; en attendant, il avait juste hâte d'en finir. Descendant de la tour sans se presser, il pénétra dans le taxi. Il aurait pu y aller en armure, mais ... Un rendez-vous personnel, hein ? Avait-il prit un rendez-vous pour l'un de ses projets ? Ou avec une vieille connaissance ? Il ne savait pas si bien dire ! Il ne savait pas que Friday et Steve avaient fomenté tout ce petit plan. Ils arrivèrent bien vite au restaurant ; Tony paya le taxi et sortit, passant une main sur son costume. Il appuya sur la branche droite de ses lunettes ; connexion avec Friday. « — Suis-je supposé entrer ? Qui m'attend ? » « — On vous attend, Monsieur, vous ne pourrez pas le manquer. » Est-ce qu'il imaginait l'espèce d'amusement dans la voix artificielle ? Avait-il mené trop loin ses travaux sur l'intelligence émotionnelle artificielle ? « — Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu mijotes quelque chose ... » sussura Tony en entrant dans le restaurant.

Curieux, il observa autour de lui. Et quand il le vit, son souffle se stoppa contre ses lèvres. Steve était magnifique. Il l'avait rarement vu en costume, mais ainsi vêtu, il était splendide. La chemise mettait en valeur la carrure du soldat. La lumière du restaurant dorait sa chevelure, ornait son visage de reflets sculpturaux, lui offrant une beauté d'Appollon. Tony sentit son coeur s'affoler. Merde, c'était quoi tout ça ? Pour une fois, il était à court de mots ; il s'approcha de Steve, les joues empourprées. Il n'avait pas pu le louper, effectivement ; difficile de voir autre chose que lui, dans cette pièce. Il attirerait tous les regards, toutes les convoitises - Tony devinait l'attention qu'on pourrait lui porter, la sienne en tout premier lieu. Il se taisait, chose inhabituelle, et observait Steve avec un regard trouble. Il papillonna des cils et s'éclaircit la gorge. « — Steve ... » Tony n'ajouta rien. Steve allait sûrement lui expliquer ce dont il s'agissait ; avaient-ils conclu un rendez-vous sans qu'il s'en souvienne ? Non. Il n'aurait pas oublié cela. Tony descendit le regard et passa une main sur son visage brûlant ; c'est lui ou il faisait très chaud, soudainement ? Leurs entraînements ne suffisaient pas, il fallait aussi que Steve vienne hanter de sa perfection ses soirées aussi ? Non pas que ce ne fut pas déjà le cas - parfois. Aveu intérieur qu'il écarta d'une pensée. Qu'il était vilain, de sa part, de songer à tout cela à propos de son ami. Steve avait sûrement songé à un simple dîner entre amis ; peut-être devait-il lui parler de quelque chose ; peut-être ... Des idées jaillirent, toutes plus chaotiques, et l'idée même que Steve puisse lui annoncer qu'il se mariait aiguillonna au coeur de milliardaire une jalousie sans faille. Dans quel genre d'évènement s'habillait-on sur son trente-et-un ? Steve ne le faisait guère, d'habitude ; il ne participait pas aux soirées, aux galas. Il devrait - il était divin, habillé ainsi. Mais Tony sentait que quelque chose clochait. Quelle nouvelle son ami allait-il lui apprendre ?

Tony n'avait pas su à quoi s'attendre ; s'il avait eu connaissance de son hôte, ce soir, il aurait sûrement interrogé plus fortement Friday. Le brun se sentait à la fois idiot et profondément curieux. Que signifiait tout cela ? Ce n'était pas dans les habitudes de Steve, et un tel comportement invitait à se poser plus de questions encore. Tony se tenait droit devant l'apparition ; vêtu d'un costume immaculé, il était d'une splendeur de prince. Le costume de Captain America lui allait comme un gain, il faisait partie de lui, mais le voir ainsi, c'était saisissant. Tony découvrait cette facette et il appréciait la façon dont la tenue de Steve retombait ; l'élégance qui en exsudait offrait au soldat des airs de roi. Tony ne trouvait pas les mots, ne sachant que prononcer le prénom du centenaire, incapable de mettre de l'ordre dans ses idées. Il sentait, en lui, le coeur pulser ; heureusement que la veste noire de son costume camouflait la boule à facette qu'était devenu le triangle technologique. Il singea Steve, écho de ses mouvements, lissant son propre veston pour en chasser une poussière imaginaire, puis il s'installa, nerveusement. L'idée que cette soirée était son gage fit place en l'esprit de Tony quand Steve lui expliqua.

« — Je vois. » La façon dont il avait dit les choses chatouilla le brun. Un dîner en tête à tête. Le choix des mots était étrange. Non pas un repas entre amis, non pas un dîner. En tête à tête. Tony camoufla difficilement un frisson. Il fallait qu'il cessât d'espérer vainement - espérer quoi, exactement ? Oh, tellement de choses. Son imagination s'enflammait devant l'adonis face à lui. Tony attrapa le menu d'une main incertaine, sans lâcher des yeux le visage de son ami ; il en oublia de remercier le serveur, le regard troublé. Steve arrivait-il à lire en lui les doutes et les questions, le trouble et l'hésitation ? La demande de Steve lui fit lever la main vers les lunettes qu'il portait ; « — Friday, déconnexion. » Et, retirant les montures, il les passa dans la poche de sa veste. Il passa un pouce sur son sourcil droit, pour avoir le temps, quelques secondes à peine, d'ordonner ses mots et ses pensées.

« — Me voilà donc puni de ma défaite ; devoir passer la soirée dans un grand restaurant, à discuter avec toi et à devoir admirer ton élégance. Quelle infamie » fit-il d'une voix rendue rauque par la fièvre qui lui enflammait le corps. S'il ne disait rien, son regard admiratif exprimait-il à quel point Steve était séduisant ? Il détourna doucement ses yeux noirs aux longs cils, presque intimidé. Il commanda une bonne bouteille de vin blanc et s'adossa confortablement, passant une main nerveuse sur sa nuque. « — Tu as l'air rayonnant, dis-moi. Une bonne nouvelle à annoncer ? » L'inquiétude voilait à peine sa voix. Il craignait toujours quelque chose dans le goût du : j'ai trouvé quelqu'un. Tony n'avait pas oublié les quelques créatures féminines qui avaient tournoyé autour de ce soleil que représentait Steve ; femmes fortes, douces, belles. Avait-il trouvé une nouvelle Peggy ? Tony savait que Steve méritait le bonheur ; était-ce très égoïste de le lui souhaiter sans aucune femme à son bras ? Le milliardaire se sentait jaloux et possessif ; rien qu'à imaginer quiconque approchant Steve, posant une main sur son bras, touchant sa peau ... Non. Calme-toi. Tu es stupide.

On leur servit la bouteille et Tony attrapa cette dernière pour les servir, congédiant le serveur. Il avait envie d'être dans une petite bulle, au moins pour une soirée, avec Steve ; quoi qu'il lui annonce, il était décidé à profiter de sa compagnie. De sa splendide vision. Il attrapa ensuite son verre et, sans boire, fit tourner le liquide vaguement doré, pensivement. Il passa la langue sur ses lèvres et reprit la parole ; à rester ainsi aussi silencieux, il allait inquiéter Steve. Cela faisait au moins cinq minutes qu'il n'avait pas plaisanté. « — Je suppose que Friday était dans le coup. Bien joué - vous êtes devenu copains comme cochons, tous les deux.   » Tony sentit soudain l'ombre de l'inquiétude enserrer son coeur - Steve avait-il demandé à l'IA de lui passer les enregistrements sonores de son absence ? Quand il était à moitié ivre, de ce genre d'enregistrements que Friday avait commencé à leur faire écouter, le jour où Steve était revenu ? Oh par pitié, non. « — Tu devrais porter des costumes trois-pièces plus souvent, ça te va à ravir. Ca met en valeur ... ta carrure. » Il avait soufflé le mot en levant son verre, comme s'il trinquait à l'aspect de Steve, à sa beauté lumineuse. Il avala une longue gorgée du vin blanc fruité. Il reposa le verre doucement, incapable de véritablement être logique dans ses pensées. Depuis combien de temps n'avait-il pas été aussi intimidé durant un dîner ? Des années. Des siècles, avait-il l'impression. Il avait toujours été un très bon séducteur, mais se retrouver ainsi en tête à tête avec Steve ... Il avait la sensation d'être un adolescent, et l'agitation qu'il reflétait se faisait sentir ; il ne voulait pas paraître aussi intimidé, mais hélas, Steve le connaissait trop bien. Cette tension, dans l'air, lui donnait des frissons.

Lunettes rangées dans la poche, plus de Friday, plus de tentation de se connecter à divers serveurs pour se tenir au courant d'informations qui n'avaient rien à faire dans cette soirée. Pourtant, il se sentait mit à nu, Tony, sous le regard de Steve, sans son IA pour l'aider à y voir clair. Sans son armure, son l'intelligence artificielle, qui était-il ? Plus cet ancien playboy prétentieux. Enfin, plus tout à fait. Il se sentait un brin vulnérable, d'autant plus que l'éclat de Steve l'intimidait un tantinnet. Ca, et toutes les hypothèses qui se bousculaient sous son crâne. La réponse du blond apaisa un peu Tony ; pas de nouvelle, juste la volonté de profiter d'une soirée. Sa nervosité baissa d'un cran.

« — Tu as tout à fait raison. C'est une bonne idée. » Il est vrai que vivre à la tour n'était pas facile, parfois ; toujours emplie de gens qui allaient et venaient, qu'il s'agisse de héros ou d'employés. Tony ne trouvait parfois la paix que dans son atelier, auquel peu de personnes avaient accès. « — J'apprécie de voir que tu as sorti le grand jeu » s'amusa un peu Tony, en souriant doucement. Le vin était délicat, très doux, un peu sucré, frais. C'était un crû français, l'un de ses préférés ; il espéra qu'il plairait à Steve. Tony eut un petit rire aux propos de son comparse ; « — Je lui ai ajouté depuis peu un nouvel algorithme émotionnel ; il s'agit d'un système de réseau neuronal reproduisant la chimie organique d'un cerveau, qui permet d'imiter les émotions, offrant une diversité de réactions presque physiques. Ainsi l'IA peut piocher dans les comportements humains via ses connexions aux réseaux, mais c'est aussi les composés du cortex ... Désolé, réflexe professionnel, me voilà qui bavasse technologie » réalisa t-il, après s'être un instant emporté dans ses explications peut-être compliquées pour ce pauvre Steve qui n'en demandait pas tant. « — En tout cas, elle a l'air très contente que tu sois revenu. Selon elle, c'est bon pour moi. Elle prend très à coeur ma santé. Vous pourriez vous tenir la main sur ce sujet, apparemment. J'espère qu'elle t'aide à te familiariser avec la technologie de la tour. Si tu as besoin d'aide, demande au concepteur » lança t-il avec un petit clin d'oeil malicieux. Tony tirait une grande fierté de ses avancées et de ses équipements à la tour. Steve exprima combien les compliments lui plaisaient et Tony eut à nouveau un petit sourire. « — Irais-tu à la pêche au compliment ? Et tu en ramènes tout un filet, mon cher. Je serai presque jaloux de combien tu attires l'attention - je vois d'ici les regards qui se posent sur toi, qui dévisagent le séduisant Steve Rogers, impressionnant Captain America, si parfait, si charmant ... » dit-il en baissant la voix peu à peu jusqu'au murmure, le regard posé sur le héros. Il n'avait pas cessé de sourire. Que Captain croit ce qu'il veut - qu'il soit jaloux parce qu'on lui volait la vedette, ou parce qu'il aurait aimé être le seul à avoir, à loisir, la compagnie de Steve. Pour une fois, la première solution n'était pas la bonne.

Mais Tony semblait avoir perdu son bagou habituel ; Steve le remarqua et Tony resta un instant silencieux, dévisageant le centenaire d'un air pensif. « — Non, ce n'est pas ça. Restons ici. S'il te plaît » ajouta t-il, en posant sa main libre sur le poignet de Steve, comme pour le retenir - comme s'il allait se lever et fuir. « — Comment se passe ton retour à la Tour ? Heureux de retrouver ta chambre ? » Voilà qu'il parlait sans réfléchir, premiers mots qui lui venaient à l'esprit. Il voulait que Steve se sentit chez lui. Qu'il soit à l'aise. Qu'il ne veuille pas repartir. « — Je n'ai presque plus de courbatures, je suis ravi de voir que tu me maintiens en forme, Rogers » ajouta t-il, avec un sourire en coin. En vérité, celui lui faisait beaucoup de bien - il dormait mieux, pensait un peu plus souvent à se nourrir, et l'exercice avec Steve apaisait quelque chose en lui, une solitude qui le tourmentait, autrefois, quand il n'était pas là. Tony n'était plus sujet aux crises d'angoisse ou aux cauchemars, à savoir Cap si proche. « — J'ai commencé à travailler sur le plan de ta moto. Ca me démangeait. » Il eut un air légèrement fataliste, comme si le simple fait que Steve eut fait mention de vouloir une seconde moto avait passé cela au premier plan, et que Tony s'était empressé de faire ses quatre volontés. « — Comment te sens-tu ? Depuis ton retour, je veux dire. Est-ce qu'il te manque quoi que ce soit ? Si tu as le moindre besoin, fais moi signe. » Il était tout naturel d'accueillir son ami avec tous les honneurs et de s'approprier ses biens-êtres. La tour était sa maison. Leur maison. Il but une nouvelle gorgée de son vin, observant Steve, cherchant ses mimiques, pour savoir s'il appréciait le millésime, pour regarder la lumière tomber sur son visage si familier.

Tony s'enflammait parfois dans ses explications. Son esprit scientifique développait sa passion et il partait parfois dans des discours qui pouvaient ennuyer tout le monde. Il appréciait leurs échanges avec Banner, car les deux scientifiques pouvaient échanger sur maints sujets et il était agréable au milliardaire de pouvoir développer ses idées et ses plans. Pourtant, cela ne signifiait pas que Steve n'était pas intelligent ; il était rusé, il possédait un grand sens de la stratégie, et Tony était fier de le voir comprendre de mieux en mieux le monde qui l'entourait ; la preuve, il avait réussi à suivre le fil de ses palabres. « — Exactement. » Il avait appuyé son mot d'un index amusé. « — Elle développe sa propre personnalité, peut-être un peu trop » dit-il avec amusement, un sourire en coin aux lèvres. Mais même s'il trouvait que Friday commençait à prendre des libertés, il n'était que plus intéressant de savoir dans quelles mesures et jusqu'où pouvait aller son libre arbitre. Il allait devoir récolter des données, des informations ; cela excita son instinct scientifique. Aux paroles de Steve, Tony prit un air impénétrable ; il gardait pour lui ses pensées, mais il était touché que Steve s'inquiète autant pour lui. N'avait-il pas dit, la dernière fois, que s'il lui arrivait quelque chose, il ne se le pardonnerait pas ? Tony s'en souvenait, ces paroles berçaient parfois ses réflexions. Mais qui s'occupait de savoir si Steve allait bien ? Lui, bien sûr. Il nota, intérieurement, de demander à Friday de garder un oeil sur Steve ; ce qu'elle avait déjà l'air de faire, de toute façon. « — C'est gentil à toi de t'inquiéter autant pour moi ; enfin une preuve que je suis ton héros préféré ? » fit-il avec un rien de taquinerie aux lèvres.

Tony avait rarement l'habitude qu'on lui vole ainsi la vedette, mais il comprenait les curieux. Voir Captain America et Iron Man en plein repas, vêtus comme des rois, sans leurs costumes - il y avait de quoi  jeter des coups d'oeil. Mais Tony n'avait d'yeux que pour Steve. Il haussa un sourcil, visiblement toujours autant amusé. « — Tu n'as jamais vu personne te regarder ? Je te conseille tout de suite un ophtalmo de ma connaissance, si tu le souhaites. » Tony pencha la tête doucement, le regard profond posé sur Steve. « — Tu ne te rends vraiment pas compte de combien tu peux éclipser quiconque dans une pièce, n'est-ce pas ? » souffla t-il avant de rajouter d'autres compliments ; au diable la prudence. N'avait-il pas le droit de dire le fond de sa pensée ? Il eut un petit sourire aux remarques de Steve ; de toute évidence, l'idée qu'il puisse penser cela de son ami plaisait au blond. « — Et pourquoi pas ? J'ai lu quelque part que tu es le parfait prince charmant. Peut-être bien, après tout. » Tony savait qu'il dépassait les limites ; l'agitation chez lui faisait battre son sang dans ses tempes.

Tony hocha la tête ; Steve se sentait chez lui et c'était ce qui importait. Tony avait retrouvé aussi une légère routine avec lui, avec leurs entraînements, et la tour lui semblait plus accueillante depuis qu'il était revenu. Etrange comme une seule personne pouvait tout changer. Leurs retrouvailles avaient sonné quelque chose chez Tony, une émotion cristalline qui l'effrayait presque. Il n'avait aucune idée de celle, écho, qui vibrait chez Steve également. Il eut un petit rire à peine retenu quand Steve s'inquiéta de quelle moto il parlait. « — Je te promets de ne pas toucher à l'ancienne. Je sais que tu y tiens. Je ne lui ferai rien d'offensant » ajouta t-il avec son sourire habituel charmeur, comme si l'idée de toucher à la carosserie avait quelque chose de malicieux. « — J'ai planché sur de nouveaux plans et des améliorations d'une moto basique, mais je pense que je partirai sur un autre moyen de propulsion, à la manière des miennes. Enfin, ce ne sera sûrement qu'un gadget - tu n'es pas obligé de l'accepter ou de l'utiliser. C'est juste mon obsession du moment. » Tony avait toujours eu ce don de s'obséder sur un objet, sur un projet, jusqu'à épuisement.

Steve répéta qu'il allait bien et Tony réalisa que lui-même ressemblait un peu trop à un père poule, à le couver et à s'inquiéter. Il n'avait pas bougé sa main, ses doigts sur le poignet de Steve ; il feignait de ne pas y faire attention, comme s'il avait oublié ce geste, mais peau contre peau, leurs chaleurs se mêlaient. Steve s'inquiéta à son tour et Tony sourit ; il semblait qu'ils ressentaient tous les deux le besoin de jouer au papa poule, finalement. « — Friday s'occupe de me rappeller de manger, de boire et de sortir m'aérer. Mais je suis sur beaucoup de projets qui me prennent du temps. C'est passionnant. Je m'intéresse notamment aux dimensions quantiques, aux portails dimmensionnels. Avec l'arrivée de super venus d'autres mondes, c'est fascinant de voir combien les possibilités multiples peuvent changer un point temporal - mais n'est pas Strange qui veut. Les connexions logiques, scientifiques, sont plus complexes à mettre en place que par simple magie. » Il haussa doucement les épaules, le regard brillant de l'excitation scientifique. « — Et je prends soin de moi. Même si je dois avouer que je délaisse certains côtés de ma vie. Qu'importe. » Il n'allait quand même pas avouer à Steve qu'il se sentait seul et que son célibat lui pesait ! Comme pour détourner la conversation, il demanda : « — Et toi, alors ? Tu as quelqu'un qui prend soin de toi, en ce moment ? Comment vont les amours du grand Captain America ? » Il avala la fin de son verre de vin ; le repas ne faisait que commencer, et il avait déjà débuté les questions gênantes, parfait. Il eut un mouvement de la main, indiquant à Cap d'oublier sa question. « — Désolé, je fais mon curieux ; ne te sens pas obligé de me répondre. »

Un point pour Steve, zéro pour Tony. S'il avait espéré que Steve avoue qu'il était un grand fan d'IronMan, le milliardaire en avait pour ses frais. Il ne montra rien de la petite déception que cela créa en lui, addoucie par les mots qui suivirent. Au moins comptait-il aux yeux du blond. Ils étaient amis. Voilà ce que voulait dire Steve. Steve ne faisait aucun sous-entendu. Steve n'avait pas d'arrière-pensée. Qu'est-ce qu'il allait encore inventer, franchement. Steve était trop innocent - la preuve, il ne réalisait vraiment pas combien les gens pouvaient l'aduler. Tony reconnaissait que l'image de Captain était rutilante, que les gens l'adoraient ; il avait la chance de connaître l'homme derrière le bouclier, de connaître le véritable Steve Rogers, et c'était d'autant plus une chance. Les valeurs qu'il possédait comme étendard se reflétaient plus encore en sa personnalité ; Tony ne doutait pas que les gens ne l'apprécieraient que plus s'ils connaissaient Steve. Il était impossible de ne pas l'aimer.

Il haussa un sourcil à la remarque de Steve, qui semblait ... Agaçé ? « — Que ... ? Non, tu m'as mal compris, Steve, ce n'est pas ce que je sous-entendais » ajouta t-il, effaré que Steve puisse penser ça. « — Tu sais parfaitement que je ne pense pas ça de toi. » Tony prit un air légèrement buté ; il avait fait assez de compliments, il ne voulait pas en rajouter et être insistant ou bizarrement lourd. « — Tu as l'allure d'un prince, mais tu as l'âme d'un chevalier. Tu es un homme bon, avec des valeurs comme le courage, la bienveillance, la détermination. Voilà ce que je sous-entendais » finit par avouer Tony, détournant les yeux. N'était-ce pas évident ? Au moins changèrent-ils de sujet, et c'était tant mieux. Qu'est-ce qui avait pris à Tony d'essayer de flatter Steve ? Il s'en voulait, à présent ; il n'était pas très subtil et il craignait que Steve commence à se poser des questions sur son comportement.

« — Bien entendu. Quand tu veux. » Tony se mordillait la lèvre, pensivement. La soirée ne se déroulait pas comme il l'aurait voulu. Il s'était imaginé tellement de choses, en voyant Steve ce soir, si bien vêtu. Il finit par retirer ses doigts du poignet de Steve - il n'avait plus la force de feindre, et son geste devait gêner le blond sans qu'il en montre rien. Mais, une chose en entraînant une autre, il révéla le fond de sa pensée, avouant à demi-mot que la vie amoureuse de Steve l'intéressait, le rendait curieux. Il allait s'avouer vaincu, alors que Steve s'amusait en retournant la situation contre lui, mais le blond finit par répondre. L'art et sa moto. Si le second hobby n'était pas difficile à deviner, il croyait se souvenir d'avoir vu les esquisses de dessins de Steve ; il était doué, très doué. C'était très différent de ce qu'il était capable de faire - ses propres dessins restaient des croquis et des annotations qui avaient toutes le lien de la mécanique. Il avait baissé les yeux, réfléchissant quand les mots de Steve, énigmatiques, lui firent relever les prunnelles.

Ainsi donc, Steve avait bel et bien rencontré quelqu'un. Tony sentit son coeur rater un battement. Allons, il était un grand garçon. Ils l'étaient tous deux. Il était normal que Steve ait quelqu'un qui lui mit le feu aux joues, qui fasse rêver le grand Captain America. Tony avala sa salive et laissa Steve finir ; aucun nom ne franchit ses lèvres et le brun ne pouvait cacher la vive curiosité qui le prenait ; pourtant, il n'était pas sûr de vouloir savoir. Et s'il s'agissait d'une héroïne qu'il connaissait ? Comment prendrait-il la chose ? Bien. Il n'y avait que comme cela qu'il pouvait réagir. « — Je suis content pour toi si tu as trouvé quelqu'un que tu mérites. Quant à savoir si cette personne est intéressée - tu lui as demandé ? Je suis certain que la demoiselle a son avis sur la question. » Tony se fourvoyait en utilisant le pronom féminin, mais il ne pouvait guère se douter de la vérité.

« — Je la connais ? En tout cas, ça ne te ressemble pas d'abandonner comme ça, sans avoir essayé. » L'imagination de Tony s'enflammait, à présent, dans le mauvais sens du terme. Des tableaux d'un Steve aux bras de diverses damoiselles lui vinrent. Wanda ? Captain Marvel ? She-Hulk ? Tout était possible. Il ne leur en voudrait pas - il pouvait même les comprendre. Il ne comprenait d'ailleurs que trop bien la sensation de Steve, à cet instant. Devoir se faire une raison, sur quelque chose que l'on n'ose pas mettre en route de peur de l'accident à venir. Tony se demanda si la personne en question était à la Tour ; si Cap avait été motivé dans son retour pour revoir cette personne. Il ferma les yeux, presque douloureusement ; Cap était son plus proche voisin de chambre et l'imaginer ... Non. Non, il ne devait pas. Il resservit le vin, peu pressé de manger, l'appétit quelque peu coupé. « — Sois indulgent envers toi-même. Une nouvelle idylle est toujours troublante. L'émotion laisse peu de place à la raison ou à la concentration. Cependant, tu as aussi le droit au bonheur, peu importe dans quels bras tu le trouves ; quelle que soit la situation mondiale ou politique, tu ne devrais pas restreindre tes sentiments. Ce n'est que mon avis. » Tony eut un petit sourire, entre bravoure et hypocrisie - est-ce que lui-même offrait le fond de sa pensée ? Absolument pas. Est-ce qu'il se permettait autant de liberté ? Non plus. Il était certain que Steve trouverait son imagination perverse et dégradante ; Tony se sentait coupable et vulnérable de sentir cette attraction puissante, il luttait contre elle tout en s'y laissant capturer, hypnotisé. C'était nouveau, intense et perturbant. Il but une gorgée de vin comme si cela pouvait retirer à sa bouche le goût de cendre et l'amertume de la situation.

Etonnant comme la discussion avait pu être détournée des possibles problèmes et bavardages. Tony n'avait pas véritablement, volontairement, lucidement désiré parler de la vie amoureuse de Steve, mais peut-être que le sujet l'intéressait trop pour qu'il le laisse de côté. Et comme ils en discutaient, il était tout ouïe, ne pouvait s'empêcher d'être à la fois impatient d'entendre la suite et craignant d'avoir les réponses qu'il demandait. Quelle étrange sensation que la sienne, à s'offrir ainsi à la douleur des résultats de ses interrogations. Et si Steve lui apprenait qu'il voyait, il ne savait pas, Carol ? Ou Natasha ? Voilà que ses esprits s'échauffaient à nouveau. Etait-ce de la jalousie qui étincelait comme ça, en lui, faisant tonner son coeur camouflé par la veste ?

Steve semblait se placer dans la position de beaucoup de gens - celle de la personne n'osant pas faire le premier pas. Tony connaissait ça : quelque chose naissait, sans preuve ni raison, et l'on craignait alors de tout gâcher en faisant le premier mouvement. C'était une partie d'échec, et le moindre faux pas mènerait à la défaite. Steve titilla sa curiosité ; il ne prononçait aucun prénom, et Tony nota qu'il restait vague concernant la demoiselle de son coeur. C'est que la jeune femme devait donc être très proche d'eux deux. Une héroïne, donc. « — La prudence est ennemie du bien, parfois. Trop de vigilance amène à un excès de mesures. Il serait dommage que tu passes à côté de quelque chose. Mais je comprend ta crainte. L'idée de perdre quelqu'un à cause de ses émotions est effrayante. » Pourtant, la dissimulation de ces mêmes sentiments n'équivalait-elle pas, déjà, à une espèce de mensonge ? Tony se sentait coupable sur ce front, de camoufler ainsi ces sentiments naissants, ces doutes et ces indécisions. Mais comment oser, à présent, quoi que ce soit, maintenant qu'il savait que Steve avait déjà le coeur plein de quelqu'un qui n'était pas lui ?

Tony eut un petit rire, l'air amusé. « — Peut-être que je sais être mature et réfléchi quand cela vaut le coup. » Quand cela concernait Cap, ou quelque chose en lien avec lui. Steve n'avait aucune idée de ce qu'il était capable de faire, pour le bien de son cher Rogers. Son ami continua son discours, Tony notant douloureusement tout ce qu'il entendant ; ainsi donc, Steve couvait des sentiments depuis longtemps pour quelqu'un. Et, selon ses dires, c'était bien une super. La dernière partie fit à nouveau rire Tony, d'un air affectueux. « — Tu es donc jaloux ? Je suis étonné, et amusé également. C'est ... »  Adorable ? Mignon ? Sexy ?  « — surprenant. » Il était clair qu'il avait hésité sur le terme et il reprit, avant que Steve ne puisse se faire des idées.  « — Plutôt que de souffrir, en imaginant cette personne aux bras d'un autre, pourquoi ne pas tâter le terrain ? Je compatis à ton soupçon de réduire à néant votre amitié. Mais n'est-ce pas ainsi que les idylles se passent ? Je veux dire, à un point, l'amitié se transforme en quelque chose de plus doux, de plus précieux encore. Il est presque cruel envers toi-même de te laisser dans les affres de l'indécision. Tu dois en souffrir, et te languir au loin sans oser n'arrangera rien. » A qui parlait-il ? A Steve, ou lui-même ? Essayait-il de se convaincre d'oser parler de ce qui le rongeait depuis quelques temps ?

« — Quant à vos emplois du temps, à vos devoirs de super ... Elle saura te trouver de la place, si elle est assez maline pour ça. Vous trouverez des moyens, des solutions. C'est ainsi que l'on fait - quand on aime quelqu'un  » et les derniers mots étaient murmurés pensivement ; il avait toujours trouvé du temps pour Steve, pour leurs discussions, leurs entraînements. Tony n'avait pas honte de penser que, quoi que veuille Steve, il trouverait toujours l'énergie pour le satisfaire. Mais quant à le dire ... C'était bien trop étrange, bien trop intime. Il jalousa encore l'image, floue et indéfinie, de cette femme qui avait les faveurs de Steve. Il aurait aimé que Friday soit là, qu'elle puisse le soutirer à ses pensées moroses et noires. « — Est-ce que tu sais si cette personne est célibataire ? » demanda t-il soudain ; peut-être était-ce cela qui l'arrêtait ? Oh, grand dieu, était-il amoureux de Janet ?! Tony savait qu'ils traînaient souvent ensemble, et Captain semblait s'entendre comme larrons en foire avec la guêpe. Tony en fût soudain certain - cela concordait, non ? Héroïne, se connaissant depuis un bout de temps, et ils passaient d'amis à ... autre chose ? Il y avait Hank dans l'équation, mais Tony savait que l'histoire entre les deux avait toujours été complexe et torturée. Steve avait-il développé des émotions pour Janet, sans oser s'immiscer ? « — En tout cas, ne culpabilise pas d'être égoïste - tout le monde l'est, quand cela touche à la sphère sentimentale. Moi le premier » prononça t-il avec un rire sans joie ; il était, en cet instant, brûlant de convoitise. Il détestait cette part de lui, possessive, qui l'intimait à devenir un peu plus excentrique et railleur que d'habitude, comme en défense à la douleur qu'il ressentait.

Le serveur revint pour savoir s'ils avaient choisi ce qu'ils désiraient manger ; Tony commanda quelque chose, la première qui lui tomba sous la main sur le menu. Son appétit avait disparu ; il finissait son second verre de vin d'un air têtu et distrait. Il laissa Steve commander à son tour ; l'amour donnait-il faim à son comparse ? Songeait-il à retrouver la demoiselle, à enfin lui avouer ses sentiments ? Tony se sentait ridicule, à pousser ainsi Cap dans les bras d'une inconnue. Ridicule et triste. « — Tu n'abandonnes pas, tu es prudent ... Que comptes-tu faire ? » demanda Tony doucement, curieux ; il voulait savoir les plans de Steve. Pour l'aider ? Pour contrecarrer le sujet ? Non, non, il ne devait pas être mesquin. Il pensait ce qu'il avait dis - Steve méritait le bonheur, peu importait avec qui. Il but une autre gorgée de vin, l'esprit échauffé d'alcool, le regard sombre posé sur son ami comme s'il désirait lire en lui comme dans un livre ouvert.

Tout était possible, sous le crâne de Tony. Beaucoup de héros se révélaient célibataires, par choix ou par dépit. La vie de super était parfois compliquée, comme l'avait dis Steve ; devoir jongler avec les valeurs que l'on portait, avec le danger que l'on amenait avec soi, avec la double-vie, l'anonymat, tout cela était compliqué, source d'angoisse et de problèmes. Lui-même avait cédé aux appels de sirènes, fût un temps, joué de sa célébrité et de sa gloire personelle, mais cela faisait déjà un bon bout de temps qu'il n'en avait plus usé. Parce qu'il avait bien mieux à faire, en son travail et en son équipe de héros. Il se contentait de tout cela - du moins le croyait-il. Et voilà que Steve lui demandait des conseils pour flirter ? Par-fait.

« — Vaste question. Si vous avez des choses en commun, tu peux jouer sur ce terrain là. Essayer de passer plus de temps avec elle. Je sais que les cadeaux, les marques d'affection, ça fonctionne aussi » argumenta t-il, essayant de camoufler l'émotion qui grondait dans son poitrail. Imaginer Steve, allant offrir des fleurs à une Carol ravie ou à Natasha, voilà une image qui le hanterait un moment. Steve affirma alors, à sa question, qu'elle était célibataire. Voilà qui compliquait la tâche de Tony. Il aurait aimé avoir Friday pour lister, immédiatement, toutes les personnes potentielles ; une nouvelle obsession sur laquelle passer ses heures d'insomnie, ce soir. Tony avait besoin de savoir, un besoin maladif, jaloux. « — On ne contrôle pas toujours son attirance, que la personne soit déjà prise ou non » fit-il remarquer délicatement. Non, on ne choisissait pas les objets de nos désirs. Il en faisait les frais à cet instant - observant Steve, il comprenait plus que n'importe qui combien les pulsions de l'émotion étaient complexes et impossibles à maîtriser.

L'idée de manger remuait l'estomac de Tony ; il ne savait pas où cette soirée les menait, et c'était très étrange. Il aurait aimé être aussi charmant et drôle que d'habitude, mais l'amertume de la découverte d'un Steve attiré par quelqu'un le clouait sur place, l'étourdissait. A moins que ce ne soit le vin. Il tendit l'oreille et eut un petit soupir ; « — Arrête de te sous-estimer, s'il a eu tellement de conquêtes, il - » et son cerveau mit enfin le doigt sur le détail qu'avait laissé planer Steve.

Il.

Il avala sa salive et posa brusquement les yeux sur Steve. Il n'y avait pas de jugement, dans ses yeux, juste une surprise mâtinée de compréhension. Son coeur rata un battement ; l'espace d'une seconde, qu'avait-il songé ? Qu'il pouvait être ce il. Que le penchant, surprenant, de Steve pour les hommes lui permettait de s'incorporer aux horizons nouveaux. Il déglutit à nouveau et continua, d'une voix un peu plus basse, troublée. « — J'oublie parfois que tu es peu expérimenté aux histoires d'amour. Mais qu'importe - même s'il a eu d'autres conquêtes, cela ne compte pas dans la balance. Je veux dire ... » Voilà que le bagou légendaire d'Iron Man se détériorait alors que ses pensées s'entrechoquaient ; il avait changé son fusils d'épaule et cherchait, parmi les supers, qui pouvait avoir les faveurs de Cap. Bucky ? Il y avait beaucoup de possibilités ; Steve craignait que ce il n'ait pas les mêmes sentiments, les mêmes penchants. Cela se comprenait, définitivement - qu'il était complexe d'approcher quelqu'un, d'autant plus quand on était pas certain de son genre apprécié. « — Qu'est-ce que cela change, qu'il ait eu des compagnons avant toi ?  Le passé compose le présent, mais si tu dis qu'il est célibataire, je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas tenter ta chance. S'il est intelligent, il ne te repousseras pas. Et s'il est idiot au point de réduire à néant votre amitié, il ne méritait pas ton attention. Il faut savoir être mature - et accepter ses émotions, ou celles des autres.  » Il passa sa main sur son visage et repoussa ses cheveux en arrière, comme pour chasser la légère ivresse qui chatouillait ses sens.

« — Je suis content que tu te confies à moi ainsi, Steve. J'en suis honoré, sincèrement » ajouta Tony, le timbre vibrant. Ainsi, Steve était attiré par un homme. C'était ... Stupéfiant. Tony savait que beaucoup de gens seraient choqués de l'apprendre, mais il ne l'était pas. Il s'en sentait même soulagé, d'une certaine façon. Peut-être, un jour ... « — En tout les cas, je ne vois pas comment il pourrait te dire non » et Tony eut un petit sourire affectueux. Tout était fait pour que Steve puisse filer le parfait amour avec son mystérieux inconnu. Tony refusait de laisser la jalousie gonfler un peu plus en lui, mais tout cela ne faisait qu'exacerber sa propre solutide, ses propres sentiments.

Il ne s'était pas attendu à discuter autant de la dimension romantique de la vie de Steve, mais ce n'était pas pour lui déplaire, en un sens. Son ami lui exprimait combien il aimait les choses simples et Tony ne pouvait qu'abonder en son sens. Il se contentait de peu, de trop peu aux yeux du brun ; il méritait plus, il méritait mieux, il méritait le monde. Tony le lui aurait offert sur un plateau si Steve en avait émis le désir. « — C'est tout à ton honneur. » La voix qui vibre de cette admiration qu'il laisse infuser comme du miel, dans son timbre doux et chaud. Bien entendu, Steve était plus du genre à se reculer et à laisser le bonheur à autrui qu'à essayer de l'attraper ; qu'aurait songé Cap s'il avait su que Tony, il y avait quelques années, n'avait pas ce genre de remords ni de craintes ? Ce qui lui plaisait, il allait le chercher. Qu'est-ce qui avait changé ? Lui, de toute évidence ; avoir pour compagnie les gens des Avengers, ces héros si incroyables, avait modifié la vision des choses de Tony. Il ne savait s'il aurait eu le coeur assez bon pour laisser quelqu'un qu'il aime à quelqu'un d'autre ; puis il réalisa que c'était le cas. Steve aimait quelqu'un, depuis longtemps enraciné en son coeur, et il ne pouvait pas s'imaginer tenter de briser ça. Steve méritait mieux de sa part.

Son cerveau faisait des exercices en tout sens pour amener à lui assez de faits, assez d'hypothèses pour étayer quelque chose. C'était dans sa nature, et la jalousie n'arrangeait rien. Le blond semblait prendre un malin plaisir à ne pas prononcer le nom de cette personne ; était-ce un ami proche de Tony, pour qu'il ne veuille pas en discuter ? Steve avait-il peur de la façon dont Tony pouvait réagir ? « — Fais donc. » Murmure bas, à peine prononcé, tandis qu'il attendait que Steve revienne sur ses propos. Avait-il heurté son égo, sa fierté, ses sentiments ? Il n'avait pas voulu paraître aussi surpris à la mention masculine, mais c'était autant l'espoir que l'étonnement qui avaient fait se lever ses iris noirs vers l'azur des prunelles de Steve. Il s'en voulait, à présent, il espérait que Steve n'avait pas interprété sa réaction de façon négative. Steve revint sur son passé amoureux ; Tony pencha la tête de côté. Exagérait-il en disant pas du tout ? Sûrement. Captain ne pouvait avoir été célibataire tout ce temps. Un homme comme lui ... Il attirait les foules, les regards, les gens aussi naturellement que le soleil. Il était rayonnant, solaire, et on ne pouvait s'empêcher d'être charmé. Tony, en cet instant, alors qu'il regardait Steve en contenant mal l'émotion qui le prenait, était sous le charme du héros. Ainsi donc, celui ayant conquis son coeur était un homme à femmes ? Tout un tas ? « — Qui peut dire ce qu'il se passe dans la tête, dans le coeur des gens ? Tu sembles bien certain que tout cela ne te mènera qu'à une finalité négative. Peut-être ... je ne sais pas ... peut-être que tu pourrais être surpris, après tout. » Faible argumentation que voilà ; pourtant, Tony pouvait jurer que personne ne connaissait son penchant pour Steve, le fait qu'il ait cessé d'être un playboy n'avait jamais fait effleurer quiconque de l'esprit que ce puisse parce qu'il appréciait d'abord une âme, une personnalité avant le physique. « — Pour avoir été ce que j'appelais un playboy, tu n'as aucune idée de ce qui se trame sous mon crâne. Et c'est tant mieux, tu serais sûrement déboussolé » plaisanta Tony, mi-figue mi-raisin. Oh, oui, Steve serait surpris. « — Là où je veux en venir, c'est qu'importe s'il a eu maintes conquêtes, féminines ou non ; tu ne pourras être certain qu'en faisant un pas. Peut-être même que, de son côté, il essaye d'attirer ton attention, sans que tu le vois ? » Un petit sourire sur ses lèvres, il haussa les épaules ; est-ce qu'il venait de faire du pied, mentalement parlant, afin d'essayer de faire parler Steve ? Il désirait vraiment que Steve lui donne le nom, mais il ne le ferait pas, fidèle, loyal jusqu'au bout, jusqu'à son coeur trop grand.

« — Tu me dis que c'est un homme aux multiples conquêtes, mais il est célibataire, en ce moment. C'est une première chance, une première occasion. Enfin, tu me dis que vous êtes amis. Seconde opportunité : vous avez en commun cette soif de justice en vous, vos emplois de supers. Vous n'êtes pas des étrangers, vous possédez une base solide sur laquelle vous tenir. » Du coin de l'oeil, il vit quelqu'un approcher ; se taisant, Tony laissa le serveur déposer leurs plats. Il joua avec sa fourchette, passant sa langue sur ses lèvres, nerveusement. « — Ne crains pas d'être déplacé ou déplaisant en avouant tes sentiments, Steve. N'importe qui serait flatté, honoré que tu le portes dans ton coeur. Tu dis qu'on ne peut pas plaire à tout le monde - mais ce soir, alors que je te regardes, laisse-moi sincèrement en douter. » Et l'oeillade qu'il lança à Steve, le dévisageant ardemment, démentait tout mensonge. Comment pouvait-on ne pas l'apprécier ? Qui donc, sur cette terre, avait souffert au point de ne pas aimer cet homme de tout son coeur, de toute son âme ? « — En tout cas, j'espère que cet inconnu saura un jour la chance qu'il a, tu ne démords pas de compliments envers lui » plaisanta le brun, rictus aux lèvres, avant de commencer à manger sans réel appétit. Il préféra se reporter au vin, dont la bouteille se vidait un peu rapidement. Il se réfréna et s'efforça de boire moins vite ; il était pourtant si facile de retomber dans de vieux démons, pour oublier que Steve en aimait un autre. Et qu'il s'efforçait de lancer le blond dans cette aventure dont il ignorait tout, dont il était jaloux.