one step more ((steve))

Tony sembla noter que le fait qu'il parlât de lui sembla troubler Steve. Peut-être parce qu'il n'avait pas envie d'entendre son ami parler de sa vie amoureuse, peut-être. Le brun devait sûrement en dire trop au goût de Cap. Quand il parla des signaux que pouvaient s'envoyer les gens, Tony acquiesca. « — Disons qu'il y a des choses qui ne trompent pas » mais Tony retint sa plaisanterie à temps ; il allait dire que si Steve se retrouvait à embrasser l'illustre inconnu, c'est que c'était un signal plutôt encourageant, mais Tony évita de prononcer sa raillerie. Il ne souhaitait pas blesser Steve, ni faire de sous-entendus. Parce qu'imaginer Steve embrasser quelqu'un, c'était assez douloureux comme ça.

Observant tranquillement Steve installer la serviette sur ses genoux avec une élégance naturelle, il se contenta d'attraper sa fourchette sans faire mine de manger, alors que la discussion continuait sur cette pente dangereuse. Il est le premier à les refuser. Coup au coeur ; Tony pensait avoir un trop gros égo pour faire partie de ces personnes, et c'est avec une déception acide qu'il se fit à l'idée qu'il n'était pas l'homme dont parlait Steve. Il était tombé amoureux d'un homme humble, bon et solaire, à l'image du blond. Et non pas désastreux, empli de démons et égocentrique comme lui. « — Les esprits modestes se rencontrent, sûrement » dit-il d'une voix un peu cassée, railleur, en transposant le dicton que les grands esprits se rencontrent. Steve avait toujours été modeste ; la preuve en était tous les compliments dont il l'abreuvait, et pourtant il était certain que Steve n'y croyait pas vraiment. Le blond ne réalisait pas ce qu'il était. A quel point il était important aux yeux du riche PDG. Tony se concentra sur la question de Steve, l'observant, un rien ravi de le voir déguster un plat à l'aune de ce qu'il méritait. S'il n'en était tenu qu'à Tony, il aurait couvert Steve de tout ce qui se faisait de mieux - mais encore une fois, le blond avait l'habitude de la modestie, et sa vie était d'une simplicité sincère. Tony devait lui apparaître comme dépensier, fantasque et étrange. « — Je me suis très largement calmé, ces dernières années. Rien à l'horizon depuis, eh bien ... trop longtemps » avoua t-il avec un demi-sourire ; « — même s'il m'arrive de rêver, moi aussi, à quelqu'un. » Il but une gorgée de son verre de vin, pour addoucir sa voix et abreuver sa gorge rauque. « — Mais je n'arrive pas à la cheville de cette personne, alors je préfère largement garder mes démons et mes pensées pour moi. » Il haussa les épaules et détourna les yeux vers le restaurant, feignant de s'intéresser aux autres personnes présentes. Il sentait ses veines pulser sous sa peau, alors qu'il serrait les dents, discrètement. Il s'en voulait d'avoir laissé échapper ces informations ; Steve allait sûrement chercher à en savoir plus, ou se montrer doux, gentil, comme à son habitude, sans réaliser que, objet de ses sentiments, le savoir à proximité était aussi douloureux que délectable.

« — Comment est ton plat ? » Il avait brusquement changé de sujet ; il ne souhaitait pas que Steve se montre plein d'une compassion qui ne serait que braises sur son coeur. Il ne souhaitait pas s'épandre sur le fait qu'il se trouvait dans la même situation que Steve ; un penchant ancré en lui, qui pourtant ne voyait nul chemin à suivre. Il était incapable de suivre ses propres conseils, quelle tragédie. Il farfouilla dans son assiette sans y toucher vraiment.

Tony n'avait pas prévu, pas tout à fait, d'en venir à parler de lui. Il n'avait jamais été du genre à s'embarrasser de faux semblants ou de doutes. Il était Tony Stark ! Mais, devant Steve et toute cette discussion, il perdait sa belle assurance comme neige au soleil. C'était dévastateur, cette impression de ne plus faire le poids. Tony se sentait affreusement coupable d'avoir mené la barque de la conversation jusqu'à ce point, car bien entendu, Steve était curieux. Enfin, étonné, surtout. Etait-ce si surprenant qu'il appréciât, qu'il désirât quelqu'un ? Et dire que, fût un temps, ses frasques faisaient les gros titres ! Maintenant, il évoquait l'idée romanesque de quelqu'un qui puisse faire battre son coeur, et Cap était surpris. C'était quelque peu ironique, d'autant plus que le sujet de son émoi était devant lui. « — Amusant comme les conseils que je t'ai donné, je suis incapable de les mettre en place. Disons que je n'ai pas l'habitude d'être attiré par ce genre de personne. »  Et, en disant genre, c'était presque littéral - si Tony avait toujours apprécié la beauté masculine, Steve était sûrement l'un des premiers hommes pour qui il ressentait cela. La première personne, également. Les amours de jeunesse, les conquêtes, tout n'était qu'un avant-goût, comparé à cette complicité, à cette confiance, à ce besoin qu'il ressentait. Tony débuta une conversation plate et fade, qui n'avait rien à voir avec leurs habitudes, et il ne savait plus quoi faire, quoi dire. C'était douloureux de se retrouver ainsi, comme piégé dans son propre traquenard.

Il eut un petit sourire sans répondre à Steve ; il n'avait pas touché son plat, à vrai dire. Et Steve revint à l'assaut, faisant sourire un peu plus Tony. Peut-être avait-il raison. Peut-être qu'un coup de pied dans la fourmillière ... Le caractère fantasque et joueur de Tony se réveilla et il inspira avant de répondre. « — J'ai autrefois cherché la beauté, la jeunesse et la fougue de la passion. Peut-être me suis-je assagi, avec tout ce que j'ai vécu, car mon attirance s'est menée plutôt vers une âme, une personnalité plutôt que le reste. » Il tâtonnait doucement, prenant bien soin de ne pas lâcher de pronom, pour ne pas tout gâcher. « — Peut-être ai-je essayé, à renfort de maladresses, quelques subtilités. Mais tu sais combien mon ironie et mon humour me servent de défense. Peut-être ne me suis-je pas assez fait comprendre. » Steve avait presque terminé son plat ; se penchant un peu en avant, comme s'il voulait confier quelque secret, il avança la main et reposa ses doigts sur le poignet du blond, là où ils s'étaient trouvés, un peu plus tôt. Ce geste pouvait signifier tout ou rien. Et aux yeux de Tony, c'était tout. Il n'avait pas encore le courage de s'essayer à la franchise désarmante, mais il réussit à sourire, le coeur battant. « — Peut-être que je finirai par me lancer. Suite à un dîner comme celui-ci, un instant délicat, cristallisé dans les mondes où nos pouvoirs et nos forces s'équivalent, et comment terminer le bal autrement que par un baiser ? Cela te paraît un bon scénario, ou dois-je me montrer moins téméraire ?  » Et, toujours ce sourire charmeur aux lèvres, il dévissagea Steve ; croisant les jambes sous la table, son pied alla effleurer le genou du blond. Le vin lui échauffait le sang, lui donnait l'ardeur et la témérité qu'il craignait. Steve allait-il comprendre les sous-entendus ? « — L'opportunité se présentera peut-être bientôt. Peut-être serai-je moins courageux que je ne le souhaite. Je suppose que l'on craint tous d'être repoussés par l'élu de nos coeurs.  » Il avait dis ça d'un air théâtral, dramatique, et il fit un petit clin d'oeil à Steve, l'air malicieux. Finalement, il avait cessé de craindre et il se lançait dans la pente de la conversation avec l'insouciance d'un chiot sur l'autoroute.

« — Dis m'en plus sur lui. Je suis extrêmement curieux, et je me dis que je pourrais peut-être t'être utile. Une sorte d'entraînement - mais romantique » et Tony eut un petit rire. Les images qu'il avait en tête étaient un peu plus qu'un entraînement et prit l'air amusé. « — Je ne te demanderais pas son nom, tu sembles vouloir le taire. Mais puis-je savoir d'autres détails ? De quelle façon as-tu réalisé que tu avais des sentiments pour lui ? » Sa dernière question était incroyablement sincère et pleine d'affection - comment quelqu'un avait pu conquérir Captain, voilà l'interrogation. Tony ébourrifa sa barbe d'une main ; l'autre n'avait pas quitté le poignet de Rogers, volontairement.

Steve avait mit le doigt sur le point névralgique : il était facile de conseiller, beaucoup moins d'adhérer ou de passer à l'action quand cela concernait sa propre personne. Tout le monde était ainsi, au moins un peu. Mais cet étonnant état de phase ne ressemblait pas à Tony ; le doute, les questionnements, l'hésitation ne faisaient pas partie de sa vie, habituellement. Il franchissait les étapes, se riait du danger et advienne que pourra. Peut-être était-ce le moment pour se lancer à corps perdu dans une bataille perdue d'avance. Il écarquilla les yeux et réfuta les paroles de Steve, l'air entre amusement et négation : « — Je ne disais pas cela ainsi. Ce n'était nullement négatif, au contraire. Je n'ai pas l'habitude des personnes aussi solaires, aussi ... charmantes » fit-il, en se demandant si Steve allait réaliser qu'il reprenait un terme qu'il avait usé pour le qualifier, plus tôt. La conversation continua son bonhomme de chemin, emmenant Tony sur des sentiers qu'il n'avait pas encore parcouru. Il était grisant d'oser enfin essayer de faire comprendre à Steve, toute en finesse, qu'il pouvait être l'objet de ses attentions ; Tony jouait pourtant de sous-entendus sans oser la franchise désarmante. Il craignait toujours de voir son ami exprimer une surprise mâtinée de cette compréhension déçue qui l'effrayait. Voir dans les yeux d'azur du blond le dépit de leur amitié brisée, voilà qui faisait tonner le coeur contre les côtes de Tony.

Il remarqua l'air confus de Steve quand il toucha son genou de son pied. L'air de rien, comme si tout n'était pas savamment calculé, le regard posé sur Steve d'un air presque provocateur par son innocence. Rêvait-il, ou Steve montrait-il des signes d'agitation ? Tony était à des lieux de deviner combien son geste, simple mouvement calculé pour aiguillonner le blond, avait parfaitement fonctionné. Il sentit un écho diffus de désir le prendre à la gorge, alors que ses yeux accrochaient ceux de Steve, répondant à cette tension entre eux. Se jouait-il de Steve ou de lui-même, à entamer la discussion sur de possibles baisers ? Il se demanda ce que cela ferait que de venir frôler ces lèvres, si souvent observées, si souvent rêvées, des siennes. Auraient-elles le goût du vin qu'il buvait ? Il avait du mal à se concentrer sur la conversation, quand bien même il avait entamé lui-même les questions. Il se fit violence pour reprendre pied dans le monde réel, repoussant son imagination enflammée par son propre récit - finir cette soirée étrange, riche en révélations, par un baiser volé. Que voilà un doux rêve.

« — Toute relation comporte ses moments florissants, et ceux moins éclatants. Tant que tu n'estimes pas que vos bas étaient trop profonds pour vous en sortir, c'est que vous êtes sur la bonne voie, je suppose » fit Tony d'un air habile ; une relation n'était pas toujours au beau fixe, mais si, même lors des moments moins solaires, si lors des pires instants, on sentait que l'autre était là, que l'on pouvait compter sur la compréhension ou l'acceptation, c'était là une force. Tony, malgré leurs différents, songeait à présent que Steve avait toujours fait énormément pour lui. Ils avaient su s'apprivoiser, depuis le moment où le blond était sorti de sa gangue de glace. Leurs différences avaient creusé des ornières, dans leur duo, mais ils avaient su devenir plus forts, s'entraider et évoluer ensemble. Steve lui apportait plus que n'importe qui. Tony tendit l'oreille, le coeur glacé d'entendre ainsi l'éloge d'un autre. Qui donc gravitait autour du Captain Rogers, pour qu'il prononce de tels mots ? Convoitise, rivalité, tout cela faisait bouillir le brun. Et le sourire de Steve, alors qu'il disait tout cela ! Il y voyait l'amour, oui, la tendresse portée alors qu'il songeait à celui qui le hantait.

La question prit Tony de court, et il haussa les sourcils avant de faire un de ses sourires habituels, charmeurs. « — Des leçons. Sur comment embrasser. » Et parce qu'il ne pouvait qu'ajouter cela, parce que sinon, Steve s'enfuirait en courant, « — Je plaisante. Peut-être revoir avec toi ces fameux signaux que tu pourrais manquer. Je peux t'indiquer quelques endroits agréables pour des sorties. Te conseiller des costumes. Ou des sous-vêtements » ajouta t-il, l'air coquin, avant de rire doucement, tout bas. « — Pardonne-moi, je plaisante, mais en réalité je suis sérieux sur le fond. Si tu as besoin de conseils et que je peux t'aiguiller, n'hésite pas, demande-moi. N'importe quoi. Je ne serai pas avare en conseils, promis. » Peut-être que ces instants, si Steve acceptait, permettraient à Tony de rêver d'un rapprochement. Est-ce qu'il imaginait déjà les scènes ? Oh, oui. L'idée d'un baiser enflammait ses sens, ivresse de l'alcool qui pétillait dans ses veines, une douce chaleur l'avait envahie et semblait prête à le calciner totalement. « — Je me montre présomptueux, comme si j'avais toute la science du monde - peut-être que tu ne veux pas de mes avis et de mes services. Tu n'as sûrement pas besoin de ces leçons » assura Tony ; il n'imaginait pas que Steve puisse être, réellement, sans connaissance sur l'amour. Pour Tony, quand le blond avait parlé d'ignorance, de peu d'expérience, il s'agissait à ses yeux de petites conquêtes, de relations sans avenir. Le brun comprenait les choses ainsi. « — Peut-être même que tu pourrais m'apprendre des choses » sussura Tony, l'air séducteur, avant d'aggrandir son sourire, comme s'il ne pensait pas vraiment ce qu'il disait, alors qu'il avait, profondément, l'envie que Steve lui montre tout ce qu'il savait.

Tony ressentait une part de lui, ridicule, frivole et angoissée à l'idée que Steve capte ses sous-entendus. Pourtant, il avait envie que quelque chose se passe. N'importe quoi. Peut-être était-ce ce désir de fairer avancer les choses, pour le meilleur ou pour le pire, qui poussait le brun à faire des subtilités de moins en moins opaques. Cependant, malgré l'agitation qu'il notait sur le visage de Steve, il n'y lisait aucune compréhension. La tension régnait toujours, dans leur comportement non-verbal, mais Tony était incapable de dire si le blond avait réussi à décrypter ses mots comme ses gestes.

Plaisanteries qui, malgré leur forme humoristique, n'étaient pas que des railleries habituelles. Si Tony aurait accepté ces sois-disantes leçons ? Parfaitement. S'il s'agissait d'aider Steve, après tout, songea t-il avec son humour cynique habituel ; pourtant ce n'était pas juste ce besoin d'aider son comparse mais le désir vital d'être en contact avec l'être aimé. D'assouvir des appétits que Steve éveillait en lui. L'embrasser, ne serait-ce qu'une fois - mais Tony n'avait pas le droit de se jouer de lui ainsi. Sous couvert de lui venir en aide, n'était-ce pas une espèce de trahison, envers son ami comme envers l'illustre inconnu qu'il aimait ? Ses esprits se calmèrent un peu, alors qu'il se sentait amoindri par sa propre imagination trop fertile. Après l'avoir écouté, Steve reprit la parole. Etalant sans honte son passé, Tony le dévisagea avec affection. Il imagina un instant s'ils n'avaient pas été des supers. Des images étranges, douces, d'une vie ensemble surgirent ; Steve qui préparait à manger alors qu'il réparait un appareil électronique ; Tony qui lisait, Steve allongé près de lui en train de procéder à la même activité ; le blond en train de dessiner, et Tony qui admirait ses talents. Mais tout cela n'était rien d'autres que des fantasmes.

Tony savait que Steve venait d'une autre époque, d'un autre temps, mais il était parfois facile de l'oublier le temps de quelques secondes, quand on voyait combien Captain s'était acclimaté. Tony eut un petit sourire amusé quand Steve, très sérieux, revint sur la question des sous-vêtements ; le brun sentit sa peau fourmiller, sensible, contre celle de Steve, leurs deux pouls se confondant. Et comme Steve semblait attendre une réponse sans plaisanterie, il fit l'effort de rester sérieux lui aussi. « — Il existe maintes façons de séduire. Les sous-vêtements en font partie. Mais la lingerie fine est plus appropriée aux femmes. Les hommes doivent avoir eux aussi leurs sous-vêtements affriolants, je suppose. Mais si tu veux mon avis, le meilleur des sous-vêtements, c'est quand il n'y en a pas » et il eut un large sourire espiègle. Qu'est-ce qu'il lui prenait, de lâcher ce genre d'informations ? Il se râcla la gorge, alors que Steve reprenait. Il haussa un sourcil à l'affirmation de Steve qui disait ne pas être doué en matière de baisers. L'aveu qu'il fit laissa Tony pensif et surpris. Ainsi, il parlait sérieusement un peu plus tôt, disant qu'il était ignare en matière d'amour ? Mon dieu, Steve était-il vierge ? Cela était surprenant, pour Tony - comment un homme de sa trempe avait pu ne jamais connaître ce genre de choses ? Pourtant, ce n'était pas un jugement, juste l'incompréhension. Parce que Tony avait bien du mal à lui résister. Steve n'avait connu qu'un baiser, avec Peggy. C'était ... incroyablement adorable. Il était en train d'imaginer bien des choses, son désir accéléré par l'idée que Steve puisse réellement accepter ses leçons, quand le blond reprit la parole.

Et puis, Tony fût distrait par ses mouvements. Il sentit chaque mouvement, chaque muscle et chaque contact des doigts de Steve sur sa peau. Il avait du mal à se concentrer sur ce qu'il disait, car il ressentait la chaleur de leurs épidermes. Il cligna des yeux et s'éclaircit la gorge. « — Excuse-moi, j'étais distrait, je ... » fit-il à mi-voix, avant d'avaler sa salive ; reprends-toi, Tony ! Steve lui avait posé une question ; il se laissa happer par le regard d'azur du blond et mit quelques secondes à remonter le temps, à reprendre le fil de l'interrogation, clairement troublé. Il retint sa blague graveleuse sur l'idée qu'entre partenaires, il existait d'autres choses à empoigner qu'une main. « —  Très bonne question. Cela dépend des partenaires. » Un violent frisson saisit l'échine de Tony alors que Steve caressait sa paume. S'il avait joué, un peu plus tôt, de mouvements calculés, il était à présent prit à son propre piège, et il aurait tout donné pour être ailleurs, où ils n'auraient été qu'à deux. Pourtant, il avait du mal à reprendre son souffle, à ne pas détailler Steve avec un désir brûlant au fond des yeux. « — La tendresse des gestes, la douceur d'un contact, sont très importants, qu'il s'agisse d'étreintes ou d'une caresse. Les baisers sont également importants. » Il avait la voix hachée, parce qu'il ne pensait qu'à ces doigts qui titillaient sa peau. Chaque parcelle de son être réagissait, brûlée par cette proximité. Si Steve avait une idée de l'effet de ce mouvement innocent - Tony baissa les yeux sous ses longs cils, inspirant pour ne pas suffoquer de désir, les joues rougies. « — Qu'est-ce qui te semble important, à toi, entre deux personnes ? Qu'est-ce que tu juges nécessaire, dans une relation ? » demanda t-il, autant pour laisser à Steve le temps de développer que pour pouvoir se calmer - et c'était devenu plus que nécessaire. S'il ne s'apaisait pas, il risquait de s'enflammer sur place. Combustion spontannée de désir. Ses doigts, légèrement tremblants, rendirent timidement une caresser à la main de Steve sous la sienne, son index et son majeur frôlant la peau du blond ; Tony n'avait plus aucune pensée logique, se fichant que Steve réalise qu'il faisait cela volontairement, qu'il cherchait ce contact avec ardeur. S'ils avaient été seuls, il aurait attrapé ce poignet, tiré Steve à lui, fait voler cette satané table qui les maintenait trop éloignés, volé ce baiser dont il rêvait et ... C'est pas comme ça qu'on se calme, Stark.

Tony n'avait guère espéré que la discussion irait jusqu'à ce point. Discuter lingerie avec Steve ? Drôle d'idée. Pourtant, cela se passait - et il trouvait cela amusant, excitant même. Leurs conversations avaient rarement pris un tour aussi intime ; c'était inhabituel et agréable, en un sens. Tony parlait peu de sa vie privée depuis quelques années, depuis qu'il s'était calmé. Il avait appris de ses erreurs. Il avait évolué. Il avait cru pouvoir aller contre son attirance pour Steve, par pitié pour leur amitié, pour conserver ce qu'ils avaient, mais en sentant le geste du blond, en réagisant de tout son corps à ce simple mouvement, Tony comprit que ce serait difficile, après ce soir, de faire comme si de rien n'était. Qu'est-ce qui l'empêcherait, lors de leurs affrontements, de glisser une main sur le flanc de Steve, de prendre un instant la domination de leur combat, de heurter leurs lèvres - rien ne pouvait plus arrêter le brun, dont l'imagination s'affolait. Imaginait-il l'implacable tension, l'atmosphère électrique entre eux ? Ou était-il le seul à avoir l'âme branlante, le coeur en une course folle ? Il essaya d'apaiser son corps, le temps que Steve lui réponde.

Il songea à ce que disait Steve. Ces deux choses étaient importantes, essentielles à toute relation, amicale ou non. Tony l'avait compris au fur et à mesure. Il n'y avait nulle confiance, nulle réelle complicité lorsqu'il ramenait une femme, autrefois, pour une seule nuit. Il ne s'attachait pas, ne s'encombrait pas. Mais à présent, il pensait en écho de Steve que ces deux qualités étaient fondamentales. Il hocha la tête, comprenant où Steve voulait en venir ; ils avaient longuement parlé de leurs parents, à maintes reprises. Tony s'était confié sur son père, homme qu'il désirait tant rendre fier et qui, pourtant, n'avait jamais démontré amour ou tendresse à son égard. Steve avait parlé de sa vie d'autrefois. A ces souvenirs, Tony eut un sourire doux et tendre. Encore une fois, il hocha la tête à ce que disait Steve, réalisant un peu que c'est ce qu'ils avaient. Ce lien entre eux, indissociable, qui leur permettrait dans toutes sortes de domaines de se comprendre sans mots. Les regards, les postures suffisaient à ce que l'autre comprenne. Les silences, même, étaient parfois suffisants. La simple compagnie de Steve lui procurait assez d'émotions, assez de paix et de bonheur, et Tony comprenait ses silences comme ses discours. Steve revint à un domaine qui semblait le tirailler. « — Le sexe peut être vu de biens des façons. Certains y trouvent la béatitude, quelques instants, sans s'encombrer de plus. Pour d'autres, il s'agit de partage, ou encore d'union, quelque chose de sacré, où l'on offre, où l'on donne. C'est un domaine qui est devenu plus libre, on en parle plus facilement, on se sert également de la séduction, de l'érotisme à des fins de publicités, ou pour appâter le chaland. » Tony haussa les épaules ; le monde était ainsi fait, les gens avaient tous une part perverse et voyeuse en eux. Tout le monde désirait quelque chose, si ce n'était quelqu'un. Steve reprit la parole et Tony lui trouva une innocence rafraîchissante. Captain était de ces hommes romantiques, tendres, qui offraient des fleurs et prenaient leur temps, sans doute. « — Comme savoir s'il met ses céréales avant le lait » plaisanta Tony, mais il avait surtout l'air rêveur.

Il comprenait les idées de Steve. Il aurait aimé pouvoir entrer sous le crâne du blond et y voir ses souvenirs, y découvrir ses secrets, parler avec lui des heures de tout et n'importe quoi. Le regarder dessiner, partager une musique - ou une danse - avec lui, et rire de tout et de rien. C'était stupidement romantique, même pour Tony Stark, et il admira l'idée un instant, intérieurement. Il sursauta légèrement quand leurs mains s'éloignèrent et il reprit un air sérieux et grave, à distance respectueuse de son comparse. Le serveur débarassa, et Tony passa son pouce sur sa pomette, comme pour en chasser une poussière ; il reprit ses esprits et inspira pour chasser toute pensée étrange de son crâne. « — Pourquoi ne pas aller se chercher un dessert dehors ? Je crois que j'ai besoin d'air, il fait chaud, ici » déclara Tony, en desserrant un peu sa cravate. Il attendit de voir si l'idée plaisait à Steve, puis il paya le dîner - indiquant à Steve que c'était là une prolongation de son gage de la dernière fois. Etait-ce si mal de vouloir prendre soin de lui, de vouloir lui offrir les meilleures choses ?

Quand ils sortirent, il souffla dans l'air frais de la nuit, leva les yeux au ciel. Il avait envie de s'envoler, en emmenant Steve avec lui, mais l'idée disparut aussitôt. « — J'ai entendu parler de très bons donuts, près d'un parc. » Il lança une oeillade à Steve, l'envie vissée au corps de lui attraper la main, de se coller à lui. « — Allons-y » et, autant pour donner l'élan que pour retrouver un contact, il porta la main au creux du dos de Steve, quelques instants, sourire aux lèvres. « — C'était une très bonne idée, cette soirée. » Il porta finalement ses mains à ses poches de costume, appréciant la fraîcheur qui lui permettait de dissiper l'ivresse et la chaleur de son corps.

Les rues de la ville s'auréolaient des lumières des lampadaires. Tony s'était toujours senti mieux, de nuit - peut-être à cause de ses insomnies, peut-être à cause du côté obscur de la force. Il aimait être là, aux côtés de Steve, la main dans son dos, juste quelques instants, avant de la retirer alors qu'ils avançaient. Leur proximité lui permit de faire s'effleurer leurs bras, l'air de rien ; il avait rangé au chaud ses mains dans ses poches, pour ne pas être tenté d'attraper celle du blond. La soirée lui plaisait, en effet. Malgré la tension qui crépitait entre eux, il s'était amusé, il avait apprécié en apprendre plus sur Steve, même si cela admettait que le blond aimait quelqu'un qui n'était pas lui.

Tony eut un petit rire qui dévoila ses dents blanches. « — Friday a été extrêmement vague, et je t'avoue que je n'ai pas forcément fait attention au fait que je ne savais pas à qui j'aurai affaire. J'ai planché sur un projet cet après-midi, j'avais la tête ailleurs, même si j'étais curieux de savoir pourquoi Friday m'avait recommandé ce costume en particulier. » Il aurait dû se douter que l'IA, avec son humour habituel, s'était joué de lui ; elle l'avait fait se mettre sur son trente-et-un car elle savait combien l'absence de Steve avait mit à mal le brun. Loin de s'en offusquer, il songea que l'IA connaissait beaucoup de ses secrets. « — Mais j'ai toujours aimé le risque, après tout. Me lancer dans l'inconnu ... une grande habitude. » Pas tout à fait. Pas pour tout, hein Tony ? Lui qui n'osait pas se lancer pour aller plus loin, avec Steve. « — Et puis, si j'avais été mécontent de mon inconnu de ce soir, j'aurai tourné le dos et déguerpis. Non sans lancer l'une de mes railleries habituelles. » Nouveau petit rire. C'était tout lui, ça, de se montrer aussi rude et insolent. Mais il n'avait pas eu envie de tourner le dos ce soir, non, pas en voyant Steve.

La remarque de Steve fit sourire Tony. « — Je ne sais pas comment tu fais pour te sentir autant perdu, dans une ville où tu vis. Tu n'as vraiment pas le sens de l'orientation, hein ? » Accolade, épaule contre épaule, enfin presque, Tony étant plus petit que le Captain. Il avait l'air, non pas moqueur, mais attendri ; toutes ces facettes de Steve étaient adorables. « — Oui. Même si, habituellement, je n'ai pas à me servir tant que ça de ma matière grise, Friday et d'autres choses m'aident. Mais je connais quelques coins sympathiques, oui. Plutôt en hauteur - la force de l'habitude » avoua t-il, sourire amusé aux lèvres ; c'est vrai qu'en tant qu'IronMan il avait plutôt l'habitude de survoler la ville que de s'y poser calmement. Ils entrèrent dans un grand parc éclairé de douces lumières. A cette heure, ils étaient presque les seuls. Le vendeur de donuts, un simple stand sans fioritures, se trouvait près d'un lac artificiel. Il régnait une fraîcheur agréable. Tony sentait son coude frôler celui de Steve, parfois, alors qu'ils marchaient à un rythme simple. « — J'ai, techniquement, promis à Friday et à Bruce de ne plus manger de sucre. Ce sera notre petit secret, ok ? Il faudra s'entraîner plus dur demain matin, pour dépenser tout ça. »

Plaisanterie qui vient à l'esprit, comme une bulle qui éclate ; il connaissait bien des façons de se dépenser, plus agréables qu'un combat à mains nues. Tony s'approcha, ayant remis ses lunettes, croyant peut-être qu'il passerait innaperçu. Il laissa Steve choisir ce qui lui faisait plaisir et pris lui-même un beignet. Croquant à pleines dents, il sentit son estomac le remercier d'enfin avaler autre chose que du vin. Il essuya ses lèvres couvertes de sucre en poudre et s'éloigna de la gargote, heureux comme un grand gamin. « — Je venais ici, parfois, petit. Acheter un beignet, se promener avec ses parents - que voilà un beau tableau, non ? » Même si c'était parfois compliqué, avec son père. Papa Stark n'était pas le père de l'année, ayant envoyé Tony très jeune dans une école privée, pour mettre à contribution l'intelligence dont il devait avoir hérité. « — Parfois, je me demande ce qu'ils auraient pensé de ce que je suis devenu. » Plus encore que tout le reste, c'était là une pensée intime. Il aurait pu se promener nu qu'il ne se serait pas senti aussi vulnérable ; avouer une telle chose, c'était ouvrir son coeur carapaçonné. Il avala une autre bouchée du beignet, pour s'affirmer et lancer une oeillade à Steve. Ils marchaient calmement le long du sentier, dans le parc, et Tony appréciait qu'ils soient enfin seuls. Il passa le dos de sa main sur ses lèvres, pour en enlever toute poudre sucrée, et étira ses épaules et ses bras en l'air, poussant un soupir bienheureux. « — On peut parfois oublier ce que c'est, au-dehors de la vie de super-héros. Je devrais sortir plus souvent de la Tour, plutôt que de m'y terrer avec mes tournevis et mes armures. Et tu devrais venir avec moi, parfois. Enfin, si tu veux. Pas d'obligation. » C'était une proposition très franche. Tony ne savait guère s'il serait d'accord ; l'idée même de se promener pouvait sembler absurde et inutile. Après tout, ils avaient tant à faire. Mais pourtant, il était séduit en imaginant qu'ils pourraient venir courir ici.

Steve, ce vieillard après l'âge, qui aimait son confort et ses petites habitudes. C'était mignon. Tony se doutait que son caractère était trop tendre pour oser s'aventurer ailleurs, mais d'un autre côté, il n'aurait pas cru Cap capable de beaucoup de choses, autrefois. Et pourtant, il s'était révélé un homme plein de surprises - dont celle de tomber amoureux d'un homme. Tony tournait en boucle cette information, essayant d'en tirer le plus possible, aveugle à la plus logique, la plus simple des solutions. Pour un homme à l'égo aussi surdimmensionné, c'était presque innacceptable qu'il ne pensât pas une seule fois à lui comme possible coup de coeur. Mais dans son esprit, les descriptions de Steve ne collaient pas avec lui même. Il eut un sourire indulgent devant les paroles de son ami, amusé par ses paroles. « — Va pour cette orgie de sucrerie et l'entraînement intense qui s'ensuivra. » Double cadeau pour Tony - la douceur du sucre sur sa langue, l'appétit de manger quelque chose alors qu'il se sentait moins aigri par rapport à Steve et à son mystérieux inconnu, la possibilité de s'entraîner avec Steve demain, de pouvoir le toucher sans se sentir coupable, de sentir le parfum de sa peau, la chaleur de sa chair, d'observer la sueur piqueter sa carne. Peut-être était-ce une glace qu'ils auraient dû manger, car de nouveau, la chaleur prenait Tony d'assaut.  

Involontairement, Tony passa sa langue sur ses lèvres, lorgnant peu discrètement sur celles de Steve, couvertes de sucre blanc. Il aurait donné beaucoup pour oser attraper le col de cette chemise, l'attirer à lui et ... Stop, on arrête là, tu commences à penser n'importe comment, pauvre Steve, s'il savait. La conversation continua, Tony révélant une pensée qu'il avait souvent eue au fil des années, sur son père et la fierté paternelle qu'il aurait aimé connaître. « — Ca pour être brillant, je le suis, mais ... je pense qu'il n'aurait pas approuvé certains choix de vie que je fais. Ou que j'aimerai faire. » Il eu un petit soupir, puis un sourire, « — mais merci pour les compliments. N'hésites pas à continuer, tu gagnes des points, Steve. » Il disait ça d'un air espiègle, mais il devait avouer adorer recevoir autant de compliments de la part de son ami. Telle une plante se gorgeant d'eau, il s'abreuvait aux douceurs que proférait Steve. Tony allait répliquer mais se tut, fermant la bouche d'un claquement, alors que les doigts de Steve dérivaient pour essuyer sa bouche. Il détourna les yeux, comme si le spectacle d'un tronc d'arbre était devenu soudain d'un intérêt mondial.  « — Oui, le ... le spectacle est splendide. » Et il ne parlait pas du parc. Cette phrase était éculée depuis des décennies, mais il comprenait à présent pourquoi elle était prononcée. Comment feindre ne pas apprécier voir la silhouette de Steve se dessiner dans l'obsurité clarsemée de lumière, ne pas profiter de la fraîcheur de la nuit et de leur solitude toute relative ?

Tony baissa les yeux et eut un rire étouffé, avant de serrer la main de Steve avec assurance.  « — Marché conclu, papy. » Il souriait d'un air gamin, et la joie d'être simplement là irradiait de son visage.  « — Qu'est-ce que tu as envie de visiter, en ville, exactement ? Attention, les visites de l'agence touristique Stark ne sont pas remboursées si le client n'est pas satisfait » plaisanta t-il.  « — Attends, je crois que ... Oui, suis-moi » souffla t-il soudain, comme un gosse qui présenterait un secret ; il se saisit de la main de Steve et, ni une ni deux, s'élança d'un pas plus rapide sur le sentier qui s'éloignait du centre du parc. Les arbres étaient plus épais ici, coupant la vue. Il marchait juste devant Steve, l'amenant avec lui jusqu'à l'endroit désiré : derrière un rideau de branches de saule pleureur, un petit espace était dégagé près d'un bras du lac, avec un banc. La vue était à couper le souffle : le firmament étoilé, les lumières sur l'eau et une grande roue, tout aussi lumineuse.  « — C'était mon endroit préféré, quand j'avais sept ans. Je m'asseyais là, avec ma mère, ou quand je faisais le mur - c'était avant d'être envoyé à l'internat. » Il hésita, puis avoua tout bas,  « — c'est aussi l'endroit de mon premier baiser, vas-y, moques-toi. » Il avait lui-même un sourire amusé sur les lèvres. Il relâcha Steve, comme s'il se souvenait qu'il tenait sa main ; il aurait aimé la serrer encore un peu. Il aurait aimé beaucoup plus, Tony, mais il ne se sentait plus autant de courage qu'au restaurant.  « — L'endroit est assez reculé, et il faut passer sous les branches du saule ; gamin, j'imaginais que ce pouvait être une cabane, ou un endroit hors du temps ... » Il soupira et tout en s'approchant du banc, il retira sa cravate d'un mouvement élégant. Décidémment, la soirée était encore trop chaude à son goût.  « — Je suppose que tu pourrais amener ta future conquête, ici. Il devrait apprécier. C'est vrai que c'est romantique.  » Il posa les yeux sur Steve puis les détourna, la jalousie amenant à nouveau son lot de venin dans les veines du brun. Il s'assit lourdement sur le banc, les jambes croisées, les bras posés sur le dossier. L'agitation était évidente. « — Peut-être que tu pourras avoir ton second baiser ici. » Quelle cruelle phrase à dire. Il eut une grimace d'excuse. Il ne voulait plus imaginer Steve ici, avec quelqu'un d'autre, embrassant une silhouette floue et sans visage - il ne voulait plus imaginer ça.